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Politique culturelle

L'Académie Glazounov, un morceau de vieille Russie

Gardienne des traditions, l'académie des beaux-arts ne cache pas son attachement aux valeurs tsaristes…

MOSCOU, 2 juin (AFP) - Temple du réalisme imprégné d'orthodoxie dans les meilleures traditions impériales, l'Académie des beaux-arts fondée par le peintre russe Ilia Glazounov prospère dans la Russie post-communiste qui se cherche une nouvelle identité.

Dans les salles à colonnes et bibliothèques aux riches boiseries du bâtiment du 18e siècle fraîchement rénové en plein centre de Moscou, il est interdit de porter un jean ou, pire, s'intéresser à l'art moderne. « Nous avons reconstitué le système impérial de l'Académie des beaux-arts, le grand réalisme qui est à la base de notre civilisation, l'art gréco-latin plus la chrétienté », explique le peintre de 61 ans. Glazounov obtient la reconnaissance officielle à l'époque de la perestroïka à la fin des années 1980 bien que des critiques déplorent sa volonté de plaire au plus grand nombre avec ses toiles mélodramatiques. L'un de ses principaux tableaux, intitulé Mystère du 20e siècle, représente Staline dans une baignoire remplie de sang, entouré de personnalités de l'époque, avec le Christ survolant la scène.

Issu d'une famille noble de Saint-Pétersbourg dont plusieurs membres avaient été fusillés après la révolution bolchevique de 1917 et d'autres sont morts dans les années 1940 pendant le blocus de Léningrad (nom soviétique de Saint-Pétersbourg), Glazounov n'a pu entrer à l'Union des peintres de l'URSS pendant 25 ans parce que ses tableaux «ne contribuaient pas à l'édification du communisme». Le peintre dont l'oeuvre est inspirée par la triade «Dieu-conscience-Russie» est largement récompensé aujourd'hui par le régime de Vladimir Poutine qui rêve de la renaissance de la «grande Russie». Son Académie bénéficie du soutien du gouvernement russe. Le Premier ministre Mikhaïl Kassianov et le vice-Premier ministre chargé des Affaires sociales Valentina Matvienko, l'ont visitée l'année dernière.

« L'Europe et la Russie sont en train de périr. Leur grande civilisation est détruite par celle de Coca-Cola, de Mickey Mouse et de jeans », déclare Glazounov qui montre avec fierté aux visiteurs une grande salle avec des rideaux vermeil sur fond de murs vert salade, hommage au goût pour les couleurs criardes du très autoritaire maître des lieux. Ouverte en 1988, l'Académie compte aujourd'hui 300 élèves, venus principalement de province. «De nombreux élèves viennent chez nous après être allés dans les écoles d'art qui sont dans un état pitoyable. En première année, c'est la réhabilitation», explique le doyen de la chaire de peinture, Mikhaïl Chankov. « Les méthodes d'enseignement sont celles de l'Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg qui a notamment formé Ilia Répine et Vassili Sourikov : on commence par dessiner les statues de plâtre, le visage et les bras de modèles vivants viennent en deuxième année, et le corps humain entier en troisième. Puis les étudiants choisissent entre le portrait, le paysage ou la peinture historique et religieuse. En sixième année, ils peignent un grand tableau, qui est leur travail de diplôme», poursuit Chankov. Ce jeune barbu se félicite de ce que sa meilleure étudiante ait « atteint le niveau de la peinture d'avant la révolution». «Nous sommes les seuls à enseigner la peinture classique. Les nouveaux mouvements sont agressifs, et ils évincent l'ancienne école réaliste », affirme-t-il. « Malevitch, Kandinsky - ces peintres au revolver - sont satanistes et destructeurs. Le carré noir, n'importe qui peut le faire», soutient Glazounov qui qualifie de « traître » un diplômé de l'Académie ayant opté pour l'art moderne.

Par Olga ROTENBERG

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  AFP
06.06.2002