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Expositions

Les visions de Giorda

Figuratif ou transfiguratif, comme il aime à se définir ? L’artiste présente ses derniers travaux, inspirés de voyages bien réels.


Patrice Giorda, Baalbeck, 2002,
huile sur toile, 89 x 116 cm.
© Galerie Véronique Smagghe.
PARIS. Un grand pan triangulaire de vert rare, plus jaune que bleu, insolent, bute sur un long rectangle noir mais rougeoyant, très épais. C’est un tableau de Patrice Giorda, bien sûr. C’est-à-dire, selon ces propres mots, une «mise en espace de la couleur» et, aussi, une «mise en place d’un espace intérieur». Cela vaut pour chacune des toiles récentes actuellement présentées. Des endroits traversés, au Portugal, au Liban ou dans le Sud de la France, constituent leur matrice. «Je m’appuie sur du vécu. Le point de départ, c’est un lieu, mais il s’agit toujours d’une vision». Les esquisses crayonnées sur place servent de point de départ à des petites images, tracées au pastel gras, dans le calme de l’atelier lyonnais. «La couleur pure me permet de faire sortir des harmonies. De m’arracher à la réalité». Ainsi, un feu de feuilles mouillées devient un blanc, dévorant des bleus. Ensuite, les grands formats peints à l’huile surgissent. Giorda est un transfiguratif, voilà vingt ans qu’il le répète. Et plus les années passent, plus son monde s’inscrit dans une tradition historique, du côté de chez Gasiorowski, dans la lignée de Titien, de Fragonard et de ce que le fauvisme nous a donné de meilleur.

Les couleurs déchaînées
Un banc, un toit, une barque ou un pont, les rares éléments de main d’homme, plutôt géométriques, dont la composition finale conserve la structure, n’atténuent pas le sentiment de solitude distillé par l’ensemble. On a d’ailleurs tôt fait d’oublier l’origine des masses mises en présence, tout troublé que l’on est par les batailles que se livrent les tons et par les tourments qu’indiquent la matière. Eau, feu, air, terre, qu’importe. Acide et sensuel, tel est le monde dont il est ici question. «La couleur donne l’apparence de la vie», notait Delacroix en 1852. «La couleur, c’est la vie», affirme Giorda aujourd’hui. Avant de quitter l’exposition, demandez que l’on vous montre L’Atelier (2001), gardé en réserve : l’allure de Golgotha de cette toile majeure mérite les cimaises d’un très grand musée.


 Françoise Monnin
02.01.2003