Accueil > Le Quotidien des Arts > Jean Planque, peintre et ami des peintres

Expositions

Jean Planque, peintre et ami des peintres

Le confident de Picasso et Dubuffet, collectionneur méconnu, sous les feux des projecteurs à la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne.

Pour Jean Planque (1910-1998), tout commence vers 1929, à Genève. Passant devant la galerie Vallotton, il est émerveillé par un bouquet de roses peint par Renoir. Ignorant tout de l’artiste, il n’hésite pas à franchir le seuil pour en demander le prix... Révélation initiatique pour cet étudiant en commerce de 19 ans, qu’une enfance passée dans la campagne vaudoise et un travail de magasinier n’avaient pas prédestiné à une activité de collectionneur. Heureusement, l’homme est doué pour les affaires et les produits qu’il commercialise lui donnent la latitude de se consacrer à sa passion. Dès lors, sa vie et sa carrière se construisent au gré des rencontres. Il se lie d’amitié avec des artistes, Auberjenois et Schüpfer, et, plus tard, Kosta Alex, Giacometti ou Picasso. Mis en confiance par sa discrétion et son instinct, ils aiment se confier à cet amateur fidèle.


Jean Dubuffet, Téléphoniste I,
1964, vinyle, traces de crayon
sur papier vélin, 67 x 50 cm,
collection Jean Planque
Planque
Ce sont ces mêmes artistes qui l’introduiront auprès de collectionneurs privés pour le compte desquels il travaille dès la fin des années 1940. Sa collaboration la plus fructueuse est celle qui l’associe à Ernst Beyeler. Durant plus de vingt ans, il envoie à Bâle d’innombrables toiles repérées dans les galeries parisiennes. Il s’agit de " tableaux devenus ", selon l’expression curieuse qu’il emploie pour désigner les oeuvres recherchées par la clientèle suisse. Fort de la confiance absolue de Beyeler, il lui propose des artistes encore peu reconnus : Bissière, Tapiès et surtout Dubuffet. Planque n'aura de cesse de faire entrer ce dernier, alors privé de marchand, dans la galerie Beyeler.

Quelque 150 peintures achetées par Jean Planque ou offertes par des artistes et leurs héritiers sont aujourd’hui réunies, tel un Torse de femme de Bonnard, une Composition. Rythme coloré de Sonia Delaunay ou l’Opéra Bobèche de Dubuffet. Plus encore sans doute que sa propre oeuvre peinte, parfois jugée sans tendresse par les critiques mais que l'on découvrira avec intérêt à la galerie Planque, elles témoignent de la cohérence des choix d’un homme émerveillé par l’audace des artistes du 20e siècle. Ses pairs, fascinés par son ravissement mystique pour l’art, l'avaient surnommé "le pasteur " : « On voit un tableau tout de suite, ou on ne le voit jamais. Les explications ne servent de rien. »






 Zoé Blumenfeld
10.08.2001