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Marché

Le Massacre des Innocents dans la tourmente

Vendu à un prix record, le tableau de Rubens fait les choux gras de la presse. Dernière annonce en date, celle d’une procédure judiciaire pour fraude lancée par l’État autrichien à l’encontre de Sotheby’s.


Le Massacre des innocents,
1609-1611, huile sur bois.
© Sotheby’s.
Le 10 juillet dernier, le Massacre des Innocents de Rubens, prudemment estimé par Sotheby’s entre 4 et 6 millions £, atteignait le prix de 49,5 millions £. Le panneau attribué à Jan van der Hoecke depuis 1698 avait longtemps sommeillé, acquis par la famille de l’ancien propriétaire auprès d’un marchand viennois, Glückselig, en 1920. Cette enchère n’est pas passée inaperçue. Pour l’International Herald Tribune, elle a permis aux «maîtres anciens de franchir le fossé» qui les sépare habituellement des artistes impressionnistes et modernes, dans une vente qui a souligné la bonne santé d’un marché où seules sont intervenues des figures bien connues du marché, comme Kenneth Thomson, l’heureux acquéreur canadien du tableau. Un optimisme affiché bien éloigné de celui de la Gazette de Drouot. Dans son avant-dernier numéro de la saison, le Massacre illustre en effet un article consacré aux «alternances de prix records et d’échecs [qui] font s’interroger sur l’avenir». La vente du tableau de Rubens rappelant celle du Portrait du docteur Gachet, survenue quelques semaines avant l’effondrement du marché en 1989.

Rubens Oma
La presse germanique n’est pas en reste dans ces débats. Après s’être intéressée à une peinture identique conservée aux Musées royaux de Bruxelles et attribuée à Anton Sallaerts (Die Zeit), elle s’est passionnée pour Rubens Oma, «la mamie de Rubens». Des reporters du journal autrichien Die Krone ont ainsi affirmé avoir identifié l’ancienne propriétaire du tableau, une certaine Anna Krausmann, avant de faire machine arrière devant les démentis de la maison de vente. Une affaire plus sérieuse a surgi depuis… Sotheby’s doit en effet faire face à une procédure judiciaire. Après avoir reçu un dossier dont la provenance reste anonyme, des procureurs autrichiens ont ouvert une enquête. La société est soupçonnée d’avoir dissimulé l’identité de l’auteur du tableau en accord avec son propriétaire lors de sa demande d’exportation pour Londres, réservant l’annonce de sa véritable attribution à l’arrivée sur le sol britannique. Andrea Jungmann, la directrice de Sotheby’s à Vienne, rejette cette accusation qu’elle qualifie d’une «incroyable insolence». Mais il s’agit d’un nouveau coup dur pour la maison qui se remet à peine de la condamnation d’Alfred Taubman.


 Zoé Blumenfeld
07.08.2002