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Patrimoine

Chillida, adieu à un grand d’Espagne

Le sculpteur est mort lundi à San Sebastián. Le pays en deuil rend hommage au «poète du fer forgé».


Eduardo Chillida.
Photo Inigo Santiago
© Museo Chillida-Leku
On se souvient d’Hernani de Victor Hugo et de la bataille littéraire qui fit voler en éclat les règles du théâtre classique établies par la Cour. On aura désormais une autre occasion de faire référence à ce village basque : c’est là dans le Llama-Chillida-Leku, «le lieu de Chillida» en basque, que reposera cette grande figure de la sculpture moderne. L’ancienne ferme en pierre du XVIe siècle, juchée sur les collines verdoyantes, abrite sa propre fondation, inaugurée en septembre 2000 par le roi Juan Carlos. Une véritable anthologie de son œuvre encore peu connue du grand public, malgré les expositions et les commandes publiques qu’elle a suscitées. En France, la galerie Maeght (puis Daniel Lelong) le soutient et l’expose depuis ses débuts dans les années 1950. Il faut néanmoins attendre la grande rétrospective du Jeu de Paume en 2001 pour assister à sa consécration. Une sculpture puissante, physique et pleine d’énergie. S’agit-il d’une revanche de l’histoire ou pied-de-nez à la carrière rêvée de footballeur, empêchée par une grave blessure au genoux?


Eduardo Chillida à Grasse
Photo Inigo Santiago
© Museo Chillida-Leku



À tous vents
Chillida étudie l’architecture, puis le dessin et se consacre finalement à la sculpture. Quand il se rend à Paris en 1948, il découvre le milieu artistique d’après-guerre, le travail de Brancusi, de l’américain Ellsworth Kelly ainsi que les sculptures grecques archaïques du Louvre qui le poussent vers la stylisation. De retour aux Pays-Basque en 1951, l’artiste se concentre sur la représentation des lieux et sa première sculpture abstraite Illarik rappelle les stèles funéraires basques. Son objectif: faire plier le fer au feu de la forge. Et Bachelard de saluer «le sculpteur (...) devenu forgeron». Le fer, Chillida le plie, le coupe, le déploie dans le vide pour mieux défier la gravité. Comme un hymne à la légèreté des solides et à la circulation de l’air. Toute sa vie, il confronte son œuvre aux éléments en faisant intervenir ses sculptures dans des paysages naturels. Ainsi, à San Sebastián, Le Peigne du vent, cette œuvre arrimée à la roche face à l’Atlantique dresse avec arrogance ses crocs de fer. Comme une «porte sur l’espace» sur la colline de Santa Catalina à Gijón, L’éloge de l'Horizon encercle ciel et mer, ou encore son dernier projet - laissé inachevé - qui consistait à creuser la Montagne de Tindaya sur l'île de Fuerteventura aux Canaries.


 Stéphanie Younès
22.08.2002