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Expositions

Artaud explosif

L’artiste prolifique se voit enfin consacrer une exposition à la mesure de son œuvre, foisonnante et multiple.


La passion de Jeanne
Antonin Artaud.
© Mumok.
VIENNE. La salle est sombre, immense, le plafond bas. Composé d‘un large espace central élargi par quatre petites ailes latérales, l‘ensemble fait penser à la cabine d‘un Boeing en partance vers des éthers encore inexplorés. «En cette année de commémoration des attentats du 11 septembre, nous avons voulu illustrer l‘idée que l‘œuvre d‘Artaud est à la fois explosive et explosée». L‘humour froid du suisse Hans-Peter Litscher, commissaire de l‘exposition en compagnie de l‘autrichienne Kathrin Pichler, peut surprendre. Sa remarque n‘en est pas moins fine, si l‘on pense aux multiples facettes d‘Antonin Artaud (1896-1948), à la fois écrivain de théâtre, metteur en scène, cinéaste, peintre, acteur, théoricien, poète, explorateur... Mais aussi homme désespéré, adepte de parapsychologie, aux sautes d‘humeur proches de la folie.

Un labyrinthe
Comment, dès lors, présenter sous vitrine un tel personnage, phénomène unique dans l‘histoire des arts du XXe siècle ? L‘exposition du Mumok (Musée d‘art moderne de Vienne) rassemble des centaines d‘objets ayant appartenu au maître, la plupart produits de ses mains : de fantastiques aquarelles, des manuscrits originaux (dont celui du Théâtre de Bali, 1931), une collection de cartes postales de l‘exposition coloniale à Paris en 1931, des cahiers divers, des lettres à n‘en plus finir (dont une adressée à Hitler en 1939, Artaud étant convaincu de ses pouvoirs parapsychiques pour influencer le dictateur allemand)... Le résultat est impressionnant, unique (une exposition d‘une telle ampleur n‘a jamais pu avoir lieu en France, les héritiers Artaud se disputant trop entre eux, et intentant des procès à la moindre occasion), et surtout très confus. Une confusion parfaitement assumée par le commissaire Litscher : «Cela fait trente ans que j‘essaie moi-même de m‘y retrouver dans ce labyrinthe. N‘allez pas croire que vous allez y comprendre quelque chose en une heure ou deux !» On est averti.


 Pierre Daum
23.10.2002