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Expositions

Modigliani, tel qu’en lui-même

L’exposition qui ouvre au milieu des polémiques a un mérite : elle aide à dépasser le cliché de l’artiste maudit.


Amedeo Modigliani, Portrait de
Jeanne Hébuterne
, 1918, huile
sur toile, 49 x 29 cm, coll. particulière.
© D. R.
PARIS. Il aura fallu plusieurs années de démarches et de recherches pour constituer, pièce par pièce, ce puzzle d'une centaine de tableaux et de nombreux dessins. Soit, au total, à peu près un tiers de l'œuvre de l'artiste (1884-1920), qui se trouve pour 80% dans des collections privées, dispersées à travers le monde. Un travail d'autant plus compliqué que les heureux propriétaires hésitent à s'en séparer. Et qui s'accompagne d'une controverse : la publication du catalogue raisonné est différée et l'authenticité de certaines toiles contestée. Marc Restellini, le commissaire de l'exposition, a voulu montrer, avec le scénographe, Laurent Guinamard, que l'art de Modigliani, contrairement aux idées reçues, est multiple : les débuts italinisants et impressionnistes, la sculpture avec un ensemble unique de cariatides présentées en regard de peintures inspirées des arts dits «premiers», le cubisme, l'expressionnisme.

L'œil du Golem
Ce choix passe aussi par l'insistance sur les portraits plutôt que sur les nus, comme cela est fait habituellement. L'œuvre de Modigliani semble traversée par une obsession pour le corps humain, pour le visage et, dans ce visage, pour le regard. Les portraits, de La Petite Fille en bleu à ceux de son marchand Zborowski, de ses égéries, Béatrice Hastings ou Jeanne Hébuterne - qui se jeta du balcon, enceinte, le lendemain de sa mort -, de ses amis littérateurs comme Max Jacob, ou, tout simplement, du Mendiant de Livourne, semblent procéder du rituel, du magique. L'inquiétante étrangeté qui en émane évoque une sorte de chamanisme. Sa source réside peut-être dans son expérience propre, dans cette «référence juive qui est celle du Golem», comme l'écrivait Didier Schulman en 1990 dans la préface d'une exposition à la fondation Pierre Gianadda. Cette quête impossible - modeler une créature dont seule compte la force intérieure - donne chez Modigliani des résultats troublants. Malgré une organisation en sections parfois peu convaincante et une lumière bleutée omniprésente.


 Muriel Carbonnet
04.11.2002