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Myatt, le faussaire se range

Il a joué à Picasso et à Braque, il a fait de la prison. Il est libre et peint aujourd'hui des faux... sous son vrai nom.

Le crime paie parfois, même s’il faut attendre… L’ancien faussaire John Myatt vit le meilleur moment de sa carrière d’artiste, lui qui, il y a seulement quelques années, vendait ses tableaux pour des sommes exorbitantes chez Christie’s et Sotheby’s. Le hic, c’est qu’ils étaient signés Picasso, Braque, Dufy… Une arnaque qui lui valut une condamnation à un an de réclusion, dont il a purgé quatre mois à la prison de Brixton. Bien qu’ils aient été peints avec des émulsions actuelles, que l’on peut acquérir dans le commerce, les faux n’ont pas semblé poser de problèmes particuliers aux grandes maisons d’enchères pendant le boom des années 1980 et 1990.

Hollywood s’empare de l’histoire
Dans ce qui fut l’une des grandes fraudes artistiques du XXe siècle, Myatt était la main et John Drewe l’esprit. Ce dernier se chargeait d’établir des pedigrees impeccables pour les œuvres mises en vente. Les deux complices n’ont été pris qu’après avoir été dénoncés par l’ancienne petite amie de Myatt. Aujourd’hui, deux ans après avoir purgé sa peine et échangé des portraits de ses co-détenus contre des cartes de téléphone, Myatt est de retour avec une grande exposition de quatre-vingt tableaux. L’exposition a été présentée à Warwick, une petite ville tranquille à deux heures au nord de Londres. Elle a rassemblé une série de chefs-d’œuvre qui, pour l’occasion, étaient bien signés John Myatt. Le public semble avoir adoré : tous les tableaux ont été vendus en deux jours. «J’ai fait du Picasso, du Matisse, du Lonet, du Dubuffet, du Braque, du Nicolas de Staël, du Ben Nicholson et même un collage de Paul Klee», explique John Myatt dont l’histoire serait en pré-production chez la star hollywoodienne Michael Douglas. L’acteur aurait payé 1,5 million $ pour s’en assurer les droits, sur la base d’une enquête détaillée réalisée en 1999 par un journaliste du New York Times, Peter Landesman. Michael Douglas jouerait le rôle de John Drewe, qui a fait trois ans de prison sans jamais cesser de nier sa culpabilité. L’exposition à Warwick, montée par Alan Elkin, le directeur de The Gallery, qui s’est dit immédiatement frappé par les œuvres de Myatt, a attiré les télévisions du monde entier. Les projets immédiats de Myatt consistent à travailler dans la sérénité, à répondre à quelques commandes, comme celle que lui a passée Alan Elkin du New York Movie, peint en 1939 par Edward Hopper. On m’a aussi demandé un Greco de 6 mètres de haut.. Myatt se dit très intéressé par Jasper Johns, qu’il n’a jamais «produit». Mais s’il le fait, une chose est certaine, ce sera un «faux d’auteur»…


 Christel Pigeon
13.11.2002