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Expositions

Au fil du Nil

Les tissus égyptiens, qui ne sont pas l’apanage de la période copte, fascinent depuis toujours les Occidentaux.


Antinoé, médaillon au putto
vendangeur, Ve siècle, période
copte. © Rouen, Musée
départemental des antiquités.
ROUEN. Toute exposition sur l’Égypte incite à la méfiance tant le sujet draine des foules compactes. Ici, tel n’est pas l’objectif, l’histoire multiséculaire de la vallée du Nil étant appréhendée sous l’angle difficile de ses productions textiles. Car s’il existe une continuité, dans cette histoire complexe, entre époque pharaonique, copte et islamique - voire contemporaine à en juger par la présentation douteuse de tee-shirts touristiques - c’est dans l’art textile qu’elle réside. Les productions coptes sont bien connues pour leur répertoire décoratif bucolique et leurs couleurs encore chatoyantes, mais on a en revanche moins l’habitude de voir les pièces d’époque pharaonique. Pourtant, les usages funéraires et la momification ont suscité la création de pièces de grande qualité, tel ce linceul en lin portant l’image à l’encre rouge d’Amenhotep Ier divinisé, daté de la XXIe dynastie (1069-945), ou encore ce carré de lin peint de l’époque ramesside, provenant des fouilles de Deir-el-Medineh, figurant un prêtre portant une peau de félin en pagne (tous deux prêtés par le Musée du Louvre).

Samitz et tirâz
L’invasion musulmane n’a pas interrompu cet artisanat. Les célèbres samits (étoffes en soie) et tirâz (tissus de lin et soie), dont la production était placée sous l’autorité du calife, sont des créations d’un grand luxe, ornées de décors abstraits et géométriques et faisant l’objet d’échanges avec le monde oriental. Diffusée au moment des Croisades, cette production fut très appréciée en Occident dans le cadre du culte des reliques : le Voile de l’impératrice Irène, qui enveloppait la Sainte-Chemise de la Vierge, en est un précieux exemple (Chartres, trésor de la cathédrale, IXe siècle). Baignée d’une lumière tamisée qui favorise la conservation de ces pièces fragiles - ce que leur état remarquable, dû au climat égyptien, a tendance à faire oublier - l’exposition adopte une présentation thématique : matériaux et techniques, usages, échanges commerciaux. Son didactisme appuyé rend toutefois le propos un peu redondant. Le public peut cependant y découvrir le riche fonds du musée, provenant des fouilles de Akhmîn et Antinoé, jusqu’alors inexploité, enrichi pour l’occasion de prêts de grands musées parisiens et provinciaux.


 Sophie Flouquet
21.12.2002