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Musées

Bail précaire pour Schöffer

Le fonds d’atelier du créateur de l’art cybernétique est menacé de dispersion.


Projet d’une tour d’acier de
347 mètres de haut.
© Schöffer.
PARIS. Pour beaucoup, le nom de Nicolas Schöffer (1912-1992) ne dit plus grand chose. Cet artiste d’origine hongroise figure pourtant en bonne place dans les anthologies sur l’art cinétique, à côté de Pol Bury ou de Takis. Et ses créations continuent de parcourir le monde - on en voit actuellement à Vigo, en Espagne, dans le nouveau musée Marco, ou à la biennale de Taipeh. En 1956, la présentation de la première de ses sculptures cybernétiques - qui mêlent le mouvement du verre, du métal et de sources lumineuses - s’était faite à Marseille, sur la Cité radieuse de Le Corbusier, avec un ballet de Béjart. Une autre, de plus de cinquante mètres de hauteur, est classée monument historique en Belgique, à Liège. Quant à sa colossale tour lumineuse pour La Défense, plus haute que la tour Eiffel et dont le président Pompidou était un fervent partisan, elle n’a jamais été réalisée mais pourrait revenir sous les feux de l’actualité. Non pas à Paris mais à… New York. Les responsables de la reconstruction du World Trade Center ont en effet souhaité qu’elle figure, avec un cahier des charges actualisé, dans la liste des projets potentiels.

Créer un musée de quartier ?
La veuve de Nicolas Schöffer continue de prendre soin des œuvres de son mari, dans l’atelier qui fut le sien, face à celui de Marcoussis, dans une charmante impasse de la place de Clichy. Y figure notamment un grand Prisme de 1964, semblable à ceux des musées de Tel-Aviv et de Tampere, où les images projetées avec des angles d’incidence sans cesse variables invitent à un voyage infini dans le monde des couleurs et des formes. Mais aussi des Lumino ou des Varetra, ses inventions à visée éducative - boîtes lumineuses dans lesquelles on peut insérer, par exemple, des alphabets - dont certaines avaient été autrefois éditées par Denise René et Artcurial. Un Lumino s’est négocié chez Briest pour 20 000 FF en octobre 2001 et un Chronos VIII a atteint 11 000 $ en septembre 2002 chez Christie’s pour une estimation basse de 6 000 $. La rupture du bail par le propriétaire entraînerait le démantèlement d’un fonds historique, qui retrace toute la carrière de l’artiste, en incluant la peinture de chevalet, les dessins d’architecture, des films. Alors que les budgets d’acquisition des grands musées sont plus serrés que jamais et que leurs réserves surabondent, l’heure pourrait bien avoir sonné du retour des petits musées de quartier, qui revivifient le tissu urbain et donnent à voir une tranche de vie et de création. En mars 2003, le Chronos X sera réinstallé, restauré et débarrassé de ses «tags», dans le jardin de sculptures en plein air des quais de la Seine. Avec, on l’espère, une participation du compositeur Pierre Henry, grand ami de Schöffer. La ville de Paris aura-t-elle une bonne nouvelle à annoncer pour l’occasion ?


 Rafael Pic
16.01.2003