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Fluxus, calme et volupté

Au début des années 1960, un vent de liberté soufflait sur New York. L’aventure du groupe Fluxus en témoigne.

Amateurs de structures classiques, passez votre chemin ! Voilà un livre sans table des matières : il s’agit d’une juxtaposition de documents (datés de 1961 à 1982), sans chronologie, mêlant des conversations entre amis (retranscrites d’après des enregistrements), des pages de journaux intimes, une correspondance avec le ministère de la Justice, le point de vue d’un historien suédois, un discours prononcé par une mère à l’occasion de l’enterrement de son fils, etc. Autant de fragments de mythologies individuelles, qui, mis bout à bout, finissent par définir l’identité d’un groupe d’artistes mythique : Fluxus. L’ouvrage, composé par l’un des acteurs de l’aventure, Jonas Mekas, se concentre essentiellement sur deux individus (en dépit du titre, qui en énonce trois) : George Maciunas et Yoko Ono.

Une approche intuitive...
Le premier, Lituanien, baptise la revue Fluxus en 1960, puis ouvre à Soho une galerie pour l’art «Fluxus», imagine une tournée européenne «Fluxus», ainsi que des immeubles coopératifs, les «Fluxhouses». La seconde, Japonaise, musicienne, compagne du plus célèbre chanteur de rock de l’époque (John Lennon), réalise des films, anime des performances, conçoit des expositions. Le tout, d’une façon très... «Fluxus», qui préfère à la tradition classique du chef-d’œuvre, la banalité quotidienne et la participation du public. Chacune des démarches évoquées est simple, fondée sur l’observation des mécanismes ordinaires de notre société et sur d’infimes décalages, provoqués en son sein par les artistes, afin de susciter une réflexion sur la civilisation occidentale. Ici, Yoko Ono parle de son film Legs, constitué de quelques centaines de jambes d’intellectuels, dénudées et cadrées en gros plan. Là, Georges Maciunas évoque l’organisation d’un concert, durant lequel rien ne s’est passé. Pas de spectacle, pas de musiciens. Les spectateurs, qui avaient payé leur place, ont détruit la salle. Ainsi, on mesure combien la liberté appartenait alors aux nouveaux émigrés, combien leur capacité à faire s’interroger les Américains sur eux-mêmes était puissante. Et combien, aussi, leur rêve de Liberté constitue, aujourd’hui, un phénomène historique.


 Françoise Monnin
15.01.2003