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Le Guggenheim apprend la modestie

En proie à des difficultés financières, la première «multinationale des musées» congèle ses nouveaux projets.


Le musée Guggenheim de Berlin
© Deutsche Guggenheim
NEW-YORK. L’étau se resserre autour de Thomas Krens. Le directeur du Guggenheim, brillant fauteur, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, d’un world museum avec des filiales dans le monde entier, est contesté dans sa forteresse. Il y a quelques semaines, le président de la fondation, Peter Lewis, a subordonné son apport en capital - véritable ballon d’oxygène de 12 millions $ - à une remise en ordre financière de l’institution. L’avertissement a porté. Il n’a fallu que quelques semaines pour que la direction annonce, coup sur coup, la mise en sommeil du Guggenheim Las Vegas et l’abandon d’un projet pharaonique de nouveau musée à New York. Ce dernier devait être dessiné par Frank Gehry, déjà auteur de celui de Bilbao, et offrir plus de 16 000 m2 d’espaces d’exposition. Malgré l’appui de la ville, qui mettait à disposition le terrain - trois quais près du pont de Brooklyn - son coût d’1 milliard $ était rédhibitoire dans la situation actuelle. Thomas Krens a donc logiquement annoncé, à la veille du Nouvel An, que si l’agrandissement du Guggenheim new-yorkais demeurait une nécessité, il se ferait selon d’autres modalités et dans des délais moins rapprochés.

Des mesures drastiques
L’expansion en réseau du Guggenheim a connu un succès indéniable au pays Basque et, dans une moindre mesure, à Berlin : ces deux établissements viennent de fêter leur cinquième anniversaire. Mais les investissements consentis ont été si élevés que même les taux de fréquentation - qui auraient satisfait la plupart des institutions concurrentes - se sont avérés insuffisants. Les deux Guggenheim Las Vegas, dans l’enceinte de l’hôtel The Venetian, ont attiré plus d’un million de visiteurs depuis leur ouverture en septembre 2001, en dépit des attentats. Cela n’a pourtant pas permis de couvrir les frais des expositions présentées, l’une sur les motocyclettes, les autres sur les trésors de l’Ermitage ou du Kunsthistorisches Museum de Vienne. La direction a annoncé que l’un des deux espaces - le plus grand - fermerait pour une durée indéfinie, dans l’attente d’une rétrospective et d’un sponsoring suffisants. Selon le New York Times, généralement bien informé, le salut pourrait venir de l’indémodable Norman Rockwell. D’autres mesures drastiques ont consisté à fermer l’antenne new-yorkaise de Soho, à mettre en veilleuse les ambitions sur internet et a procéder à de substantielles réductions de personnel. Seule consolation dans cette révision douloureuse d’une «stratégie globale» : le projet d’un nouveau clone à Rio de Janeiro semble aller de l’avant. Le maire de la ville, Cesar Maia, a annoncé avoir procédé à l’expropriation du quai sur lequel l’original bâtiment «amphibie» doit être construit, sur les plans de Jean Nouvel, pour une ouverture en 2006. Ce parent sud-américain pourrait se révéler une bonne affaire pour la maison-mère, en raison des royalties générées. Reste à savoir si le président du Brésil, Lula, qui vient d’annuler une commande d’avions de chasse d’un montant de 750 millions € pour affecter ces crédits à des mesures sociales, donnera son feu vert à un investissement de près de 100 millions €.


 Rafael Pic
13.01.2003