Accueil > Le Quotidien des Arts > Fermigier, l’art à l’estomac

Livres, CD, DVD

Fermigier, l’art à l’estomac

Les chroniques du critique à la dent dure sont rééditées. Elles n’ont rien perdu de leur mordant.

André Fermigier (1923-1988) fut un critique d’art prolifique. C’est ce que nous rappelle ce florilège de ses compte-rendus d’expositions, écrits essentiellement pour Le Monde et Le Nouvel Observateur entre 1961 et 1984. La découverte de l’histoire de l’art par cet agrégé de lettres, se fit à Florence, lorsque Roberto Longhi ou Bernard Berenson y prodiguaient leur enseignement. Devenu professeur de lettres, il passa plus de vingt années à courir les grandes - ou petites - messes de l’art, en France mais aussi à Nuremberg, Londres ou Anvers. Réunis indépendamment de leur date de parution, ces textes forment un ensemble cohérent, une histoire de la peinture partielle… et partiale. Car André Fermigier ne fut pas de ces critiques à se pâmer facilement devant un événement pictural. Avec son style alerte et sa plume aiguisée, il multiplie les petites phrases assassines. Et gare à celui qui ne partagerait pas ses goûts : «Je vous hais, je vous tue, je vous désabonne» assène-t-il aux insensibles à l’art de Guido Reni. Ou encore, à propos de la peinture intimiste hollandaise : «On va là contempler son HLM moral».

Réactionnaire ou exigeant ?
Certes le ton est à l’humour, mais certaines productions contemporaines - donc des années 1960 - l’exaspèrent véritablement, tel le Pop Art, qualifié d’«épiphénomène». Fermigier ne cache pas son mépris pour les mondanités et le snobisme liés au monde de l’art. Dans la lignée des Diderot, Baudelaire ou Blanche, il veut être un critique exigeant et sincère. Privilégiant l’analyse, l’histoire et le portrait psychologique, il fustige ce qu’il appelle «la critique poétique», cette «bouillie intellectuelle et [ce] jargon moliéresque» qui polluent les écrits sur l’art. Avec leur plaisante liberté de ton et leur sens de l’anecdote, ces récits jubilatoires nous font revivre une période réjouissante. Celle où le Louvre était capable de remplir son Salon carré de tableaux de Caravage venus d’Italie, où le musée de l’Orangerie présentait des œuvres de Georges de La Tour encore inédites, où l’on regrettait que les expositions Greco et Murillo ne passent pas par Paris…


 Sophie Flouquet
17.01.2003