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Marché

L’avalanche Tischbein

Christie’s débute l’année en dispersant un impressionnant ensemble d’environ 700 dessins de l’artiste romantique.


J. H. W. Tischbein, Tête de lion,
pierre noire, encre et lavis sur
papier, 68 x 68 cm,
esti. : 25 / 35 000 $.
© Christie’s.
NEW YORK. «Des fonds d’ateliers de cette importance et de cette époque, c’est extrêmement rare. Cela fait une centaine d’années qu’on n’en avait pas vu de semblable». Nicolas Schwed, spécialiste des dessins anciens chez Christie’s, donne le ton. Il faut dire que l’ensemble est exceptionnel à plus d’un titre. Il comporte environ sept cents aquarelles et dessins de la main de Tischbein (1751-1829), alors qu’il ne passe guère plus de deux de ses œuvres en vente publique chaque année. Conservées jusqu’à aujourd’hui dans un grenier, à l’abri de l’humidité et de la lumière, elles sont, de plus, dans un état de conservation extraordinaire. «En guise de comparaison, on peut dire que les meilleures œuvres que l’on a pu voir sur le marché ces dix dernières années correspondent au tiers “inférieur” des œuvres de la vente».

Entre Goethe et Lavater
Tous les facteurs semblent donc réunis pour que collectionneurs, marchands et musées répondent présents à l’événement. Car, si Tischbein demeure méconnu en France, il s’agit de l’un des grands noms du romantisme allemand. Une longue amitié le liait notamment à la figure emblématique du mouvement, Goethe, dont il a peint le célèbre Portrait dans la campagne romaine l’année de leur rencontre, en 1786. Les compositions néoclassiques pour lesquelles le poète rédigea les vers des Wilhelm Tischbein Idyllen en témoignent ici. Parmi les autres œuvres qui devraient susciter l’intérêt, citons les planches animalières - études naturalistes de bêtes sauvages, captives ou domestiques et têtes de caractères marquées par l’influence de la physiognomonie de Lavater - ou les albums dans lesquels se font face les dessins et les annotations de l’artiste.

Le Sodoma, la fresque disparue
Cette collection, prudemment estimée autour de 550 000 $, doit pourtant partager la vedette de la vente de dessins anciens avec une autre pièce. Il s’agit d’un carton monumental du Sodoma (141 x 191 cm) pour la fresque de la façade de la guilde des cordonniers à Sienne (800 000 $). Si cette fresque a aujourd’hui disparu, le dessin peut être identifié grâce à la description qu’en fit Vasari en 1550. Elle signale notamment la présence de Jésus enfant, se retournant en tendant les bras vers saint Crispin. Là encore, la rareté devrait suffire à mobiliser les acheteurs. Rares sont en effet les cartons de fresques de la Renaissance à être parvenus jusqu’à nous. D’autant que la technique même du transfert du dessin sur le plâtre frais fragilise énormément l’œuvre sur papier.


 Zoé Blumenfeld
22.01.2003