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Expositions

Jeanne Hébuterne, avec et sans Modigliani

La dernière compagne du portraitiste italien était aussi peintre… La preuve par dix !


Autoportrait,
1916, huile sur carton.
© Modigliani Institut.
PARIS. Un homme austère, arborant une longue barbe blanche, lit, assis dans un fauteuil. Les yeux en amande, opaques, les mains aux doigts effilés, la position du sujet devant un fond travaillé sans perspective, la gamme colorée… tout cela porte sans aucun doute la marque d’Amedeo Modigliani. Des dessins préparatoires de sa compagne, Jeanne Hébuterne (1898-1920), sont pourtant là pour attester que cette toile n’est pas le seul fait de Modigliani. Ce portrait du père de Jeanne a été peint à quatre mains, au printemps 1918. À l’époque, la jeune femme qui a quitté le foyer parental pour vivre avec son amant dans un atelier situé près de Montparnasse, apprend à ses proches qu’elle est enceinte. Malgré ce portrait de «réconciliation», cette nouvelle achève de brouiller les relations de Jeanne avec le très catholique Casimir Hébuterne qui n’accepte pas de voir sa fille convoler avec un artiste juif. Deux ans plus tard, Modigliani meurt. Le lendemain, Jeanne, enceinte de leur enfant et rejetée par sa famille, met fin à ses jours en sautant du cinquième étage de l’immeuble où ils habitaient.

Quatre-vingts ans dans une cave
À l’heure de ce drame, seul son frère aîné, André, relie encore Jeanne aux siens. Artiste lui-même, il reconnaît le talent de sa sœur et conserve certaines de ses œuvres. C’est dans la cave de son atelier, au 12 rue de Seine, que neuf peintures de Jeanne Hébuterne ont été récemment retrouvées. Peu de temps après, une dizième a été découverte par hasard chez un brocanteur, en Allemagne : un portrait de Modigliani en buste, la tête appuyée sur la main. Ces œuvres présentées l’espace d’une journée au Musée du Montparnasse, figureront bientôt dans «Amedeo Modigliani, de Montmartre à Montparnasse», une exposition qui se déroulera à Ancon, Caserte et Bari. À ce jour, seules six autres toiles de Jeanne Hébuterne étaient connues. Avec ces portraits de proches et ces vues de bâtiments situés à proximité de son domicile, un grand pas vient donc d’être franchi dans la connaissance de cette artiste dont on ne retient généralement que la fin tragique.


 Zoé Blumenfeld
11.02.2003