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Expositions

Catastrophes en cascade

À l’instigation du philosophe Paul Virilio qui réfléchit sur les effets pervers du progrès technique, la Fondation Cartier dresse une typologie des accidents.


Cai Guo-Qiang, C’est si joli ce
soir
, 2001 - 2002, coll. de l’artiste.
© Cai Guo-Qiang.
PARIS. Qui s’attend à trouver dans un musée tout ce que nos journaux et la télévision nous donnent régulièrement à voir ? Le «spécialiste» de la vitesse de l’information, si on peut désigner ainsi Paul Virilio, a transformé la Fondation Cartier en un espace de représentation des accidents en tous genres de notre époque, à travers le cinéma, la photographie et la vidéo. Des accidents choisis pour leur effet sidérant. Mais à cet effet se mêle une esthétique du désastre, car l’exposition comporte une part non négligeable de créations conçues par des artistes contemporains. Des documents d’actualité (journaux télévisés), extraits des archives de l’Institut national de l’audiovisuel, sont complétés par des photographies de l’Agence France Presse, c’est-à-dire des images qui ont pour fonction première de véhiculer de l’information et qui par conséquent ne se caractérisent pas par une vision d’auteur. En contrepoint, des films, des vidéos et des montages traduisent une volonté de mettre en forme la représentation des événements, de détacher celle-ci de l’actualité telle qu’elle est traitée immédiatement par la presse et de plus en plus souvent en temps réel - pour reprendre un point sur lequel Paul Virilio est beaucoup intervenu. Et c’est évidemment dans cette différence d’approche que réside l’intérêt de l’exposition.

Science sans conscience...
En revanche, la pensée de Virilio transparaît peu, si ce n’est dans un texte d’introduction traçant l’axe de sa réflexion et ses principales références. Pour tenter de comprendre «ce qui arrive», il faut se remémorer ce que l’on sait de Virilio, ses commentaires autour des événements contemporains, ses interventions sur les dérives et dangers liés au progrès technique. Si l’on ne prend pas cette précaution, on risque de ne voir qu’une «accumulation» d’images et de sons, une généralisation de catastrophes sur fond de mondialisation, avec le spectacle du 11 septembre comme événement majeur de ces dernières années. Par ailleurs, le mélange des genres, le terrorisme qui voisine avec des catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, s’avère très discutable : aucune hiérarchie n’est clairement établie et n’est donnée finalement à voir qu’une typologie des accidents. On regrette de ne pas ressortir plus intelligent d’une telle présentation.


 Gabriel Bauret
12.02.2003