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Marché

Dans l’ombre de Mantegna

Quelques lots phares dissimulent la morosité des ventes d’art ancien.


La descente aux limbes,
tempera sur bois rehaussée
d'or, 38,8 x 42,3 cm.
© Sotheby’s.
NEW YORK. De même qu’il y avait eu Le Massacre des Innocents de Rubens en juillet dernier, La Descente aux limbes d’Andrea Mantegna, vendue pour 28,6 millions $ par Sotheby’s, a marqué les ventes d’art ancien de janvier. Cette adjudication est près de trois fois supérieure au précédent record de l’artiste, établi en 1985 : L’Adoration des Mages avait été emportée par le Getty Museum de Los Angeles pour 8,1 millions £ (soit 10,4 millions $). Mais alors, comme aujourd’hui, un record ne fait pas une vente et les résultats globaux sont plutôt moroses. Chez Sotheby’s, 66% des lots ont été vendus pour 47 millions $, soit 74% de l’estimation. Chez Christie’s, seuls 55% ont trouvé acquéreur pour un total de 22 millions $. «Ces ventes ont permis de réaliser pleinement ce qui jusqu’ici n’était qu’une impression : le marché des tableaux anciens est devenu difficile, notamment parce que les marchands sont moins actifs qu’auparavant, analyse Elvire de Maintenant, de Christie’s.

Les «bodegones», une valeur sûre
«Notre travail consiste de plus en plus à faire revoir les estimations à la baisse, poursuit-elle. Il faut faire comprendre aux vendeurs que mettre des estimations trop élevées, c’est “griller” les œuvres : les acheteurs s’en détournent». Ce phénomène explique que des lots importants soient restés invendus comme Sainte Catherine d’Alexandrie, un élément de polyptique de Bernardo Daddi estimé 1,5 million $ chez Christie’s, ou deux toiles de Rubens estimées 2 millions et 4 millions $ chez Sotheby’s. Dans ce marché très sélectif, une catégorie semble tirer son épingle du jeu : les natures mortes espagnoles. Chez Christie’s, l’une des douze toiles consacrées à ce genre par Goya, Les Lièvres morts, a été acquise par Jean-Luc Baroni pour 5 millions $. Chez Sotheby’s, la surprise est venue des Abricots sur un plat, de Zurbaran, emportés pour 792 000 $, soit près de huit fois l’estimation basse.

Tischbein, tout est vendu !
Les vacations de dessins ont recueilli plus de succès. Chez Sotheby’s, où 60% des lots ont réalisé 79% de l’estimation en valeur, les plus fortes adjudications livrent des surprises. Citons notamment une scène diabolique attribuée au cercle de Bosch et adjugée 276 800 $ (estimé 30 000 $) ou la Résurrection de Lazare, un dessin rhénan de 1480 vendu pour 170 400 $, soit plus de huit fois son estimation basse. Chez Christie’s, la déception causée par le monumental carton du Sodoma (estimé 800 000 $ et demeuré invendu) aura été rattrapée par le succès de l’artiste romantique allemand, Tischbein. «Une heure après la fin de la vente, les deux ou trois lots qui n’avaient pas trouvé acquéreur étaient vendus. C’est très satisfaisant pour 800 dessins d’un même artiste, explique Nicolas Schwed, spécialiste en charge de la vente. Avec plus d’1 million $, nous avons pu doubler l’estimation basse de cet ensemble. Quant au résultat global de 3,7 millions $ - 75% des lots vendus -, il est plutôt bon dans l’état actuel du marché».


 Zoé Blumenfeld
12.02.2003