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Marché

© Sylvie Teitgen.

Sylvie Teitgen, commissaire-priseur

Depuis près de vingt ans, Sylvie Teitgen s’est spécialisée dans l’École de Nancy. Elle nous retrace son parcours…

J’ai repris cette étude en 1985. Mon prédécesseur, un vieux monsieur, considérait que le marché de l’École de Nancy s’écroulait. D’ailleurs, cela ne l’intéressait pas vraiment. Il préférait vendre du XVIIIe siècle. Ces verreries, il les proposait dans des cageots et pleurait presque pour qu’on les achète. Je dois reconnaître que cela m’avait un peu découragée. Mais pour moi qui suis franc-comtoise, la découverte de Nancy et de son Musée des beaux-arts avait été un déclic. C’est là que je rêvais de travailler. À ce moment là, les prix n’étaient pas très élevés. Mais on a vécu cette montée et, en 1989-1990, l’apogée. En septembre 1990, lors d’une vente aux galeries Poirel, à Nancy, une centaine de verreries ont été vendues pour près de 10 millions FF. Mais cela allait vite. Une lampe de Gallé, avec un décor d’ombrelles sur un pied en fer forgé à fût cannelé, qui éclairait le bureau d’un étudiant, est partie pour 2,2 millions FF. Une autre lampe de modèle «rhododendrons» s’est vendue 1,5 million FF. À l’époque, Daum était prisé, mais pas autant que Gallé.

Des clients de la région
En 1991, il y a eu une baisse… Et la reprise n’est venue qu’autour de 1996, une embellie déclenchée par les préparatifs du centenaire de l’École de Nancy. Tout à coup, les jeunes qui avaient acheté des maisons de l’époque avaient envie de se meubler ainsi. Il faut dire que seules les grandes pièces partent pour les États-Unis ou le Japon : notre clientèle est à 70 % nancéienne. D’ailleurs, le mobilier de cette époque - celui de Louis Majorelle, Emile Gallé, Eugène Vallin ou Jules Cayette - ne se vend bien qu’ici. Il ne serait pas facile à transporter vers l’étranger et bien trop imposant pour des appartements parisiens ! Généralement, les clients aiment venir ici car ils savent que ce ne sont pas des ventes montées : les objets viennent de la région. Je me souviens très bien de personnes qui m’ont proposé un vase en 1998. Leur grand-père travaillait chez Gallé quand les ateliers ont fermé. Il était parti avec cette pièce décorée de pingouins, pas totalement terminée et pas signée. Je l’avais estimée autour de 30 000 FF et elle a été vendue 890 000 FF. Quelle surprise cela a été pour eux. Avec ce vase qui leur servait de porte-parapluies, ils se sont achetés une maison !


 Zoé Blumenfeld
07.02.2003