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Vrai ou faux Van Gogh, le pire n’est pas toujours sûr

Si vous apprenez le lendemain que le tableau que vous venez d’acheter aux enchères pourrait ne pas être de la main de votre artiste favori, ne comptez pas sur une annulation facile de la vente.

Commencez par réunir toutes les preuves qui vous autorisent à douter de l’authenticité de l’œuvre, sinon dispensez-vous d’aller en justice sous peine de voir votre œuvre dépréciée - à procès perdu, décote assurée - et rester en votre possession ! Une vente d’œuvre d’art est avant tout un acte juridique liant un vendeur et un acheteur. Pour l’annuler, il faut se conformer aux règles strictes du code civil.

Les qualités substantielles
La preuve de votre erreur au moment de l’achat est une des causes de nullité admise, sous réserve cependant que l’erreur porte sur l’une des qualités substantielles de l’œuvre. L’authenticité est reconnue comme une qualité substantielle d’une œuvre d’art - c’est le moins qu’on puisse attendre. Reste à prouver que cette qualité fait défaut. Or démontrer l’inauthenticité d’une œuvre n’est pas tâche aisée, il suffit pour s’en convaincre d’observer les querelles d’experts. Sur ce point, la Cour de cassation, depuis son arrêt du 22 février 1978 dans l’affaire Poussin, est venue soulager la charge de la preuve pesant sur l’acheteur. Depuis cette décision «un doute certain sur l’authenticité de l’œuvre» suffit pour demander la nullité de la vente. Nul besoin de prouver son inauthenticité.

Un doute plus que certain
Si la cour suprême ouvrait une porte de sortie favorable à l’acheteur déçu en 1978, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 mai 2001, s’est permise de la refermer à l’occasion de la célèbre affaire du Jardin à Auvers de Van Gogh. Affaire qui n’en finit pas de durer puisque la famille Vernes, qui a acquis l’œuvre aux enchères en 1992 pour 55 millions de francs, cherche à obtenir l’annulation de la vente depuis 1996. Tout en confirmant que l’annulation peut être prononcée si un doute certain sur l’authenticité est établi, la cour d’appel de Paris a cependant montré une grande exigence en matière de preuve, privilégiant ainsi la stabilité des transactions. La polémique entretenue dans la presse sur l’authenticité de la toile, les avis - à vrai dire contradictoires - exprimés par les amateurs et les experts n’ont pas suffi aux juges pour admettre l’existence d’un doute certain sur l’authenticité. L’annulation a été refusée. Au vu de cet arrêt, on peut se demander jusqu’où il faut aller pour établir le doute certain de l’acheteur, combien d’avis de spécialistes sont requis pour avoir des chances d’obtenir l’annulation. Et dans des situations où les experts s’opposent, il est difficile de prévoir sur quelle base le juge accordera plus de crédit à l’une ou l’autre des thèses. Une incertitude qui n’est pas pour encourager la prise de risque du côté des candidats à l’achat. Les héritiers Vernes se sont pourvus en cassation et les juges de la cour suprême auront donc l’occasion de confirmer leur préférence entre deux soucis légitimes : la protection des acheteurs d’œuvres d’art ayant consenti dans l’erreur et la stabilité des contrats.

La responsabilité des initiés
Dans ce contexte, la responsabilité des intermédiaires que sont les experts, directeurs de galeries et commissaires de ventes, est relativement épargnée. Tant que leurs examens sont réalisés avec sérieux et que les catalogues de ventes présentent les œuvres avec des mentions précises sur l’attribution ou non de l’œuvre à tel artiste, ils ne courent pas de risque à l’égard de l’acheteur malheureux. Pour la petite histoire, Jardin à Auvers fut classé monument historique en 1989. Son propriétaire de l’époque avait finalement obtenu de l’État 145 millions FF pour compenser le manque à gagner lié à l’interdiction d’exportation…


 Yann Queinnec
Landwell & Associés - Avocats
13.02.2003