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Marché

René Magritte, les années 1950 privilégiées par le marché

Le plébiscite de L’Empire des lumières Depuis une trentaine d’années, le prix des œuvres de Magritte n’a cessé d’augmenter.


L’Empire des lumières,
huile sur toile 1952, 100 x 80 cm.
© Christie’s.
Arrivé à Bruxelles en 1916, René Magritte découvre le cubisme, le futurisme et l’avant-garde anversoise. Ses peintures sont marquées par ces influences avant d’évoluer vers un certain purisme. Familier des dadaïstes belges et féru de poésie surréaliste, il peint en 1926 ce qu’il considère comme sa première œuvre surréaliste réussie : Le Jockey perdu. En l’espace de quatre ans, entre Bruxelles et Paris, tous les éléments qui font son œuvre sont en place : la prédilection pour les jeux d’échelle, la tension entre représentation académique et vision décalée du réel, l’exploration de l’écart entre la chose et sa désignation… Si on excepte les tentatives de «style Renoir» ou de «style vache» des années 1940, il conservera sa manière tout au long de sa vie, optant uniquement pour des gammes colorées plus chatoyantes.
Si les ventes publiques d’œuvres de Magritte se tiennent aux États-Unis et au Royaume-Uni, il s’agit d’un marché totalement international. En l’espace de cinq ans, le prix de ses œuvres a plus que doublé. Cependant la situation est plus contrastée qu’il n’y paraît. Car seules les peintures, qui représentent 19% des transactions (contre 39% d’estampes et 35% de sculptures), voient leurs prix flamber et leurs taux d’invendus rester minimes. Autre curiosité de ce marché, les dix plus fortes adjudications de cette dernière décennie comptent quatre versions de L’Empire des Lumières. En 1996, l’une d’elle s’arrachait à Londres pour 2,7 millions €. En mai dernier, une autre atteignait 12,5 millions € à New York.


«S’arracher «l’image» de Magritte»
Trois questions à Isy Brachot, galerie Brachot, Bruxelles

Quand les œuvres de Magritte sont-elles apparues en ventes publiques ?
Isy Brachot.
Il y en a depuis les années 1930 même si la grande vente qui aurait pu avoir lieu en 1929, lors de la faillite du Centaure, la principale galerie bruxelloise de l’époque, a été évitée par le rachat des œuvres - dont trois cents de Magritte - par E. L. T. Mesens, un véritable mécène. À partir des années 1960, on a vu les tableaux de Magritte passer très régulièrement en vente.

Quelle a été l’évolution de sa cote depuis lors ?
I. B.
Les prix n’ont cessé de monter régulièrement mais sainement, c’est-à-dire sans records anormaux. Il y a eu deux événements marquants. À la mort de Georgette Magritte, la vente de l’atelier le 2 juillet 1987 par Sotheby’s à Londres a vu les premiers prix records atteints en ventes publiques. La seconde, c’était la vente de la collection d’Harry Torczyner, en novembre 1998, par Sotheby’s, à New York.

Quelles sont les peintures les plus recherchées ?
I. B.
La période la plus importante pour sa créativité, sa poésie, est sans conteste celle qui va des années 1926 à 1930. Mais ça n’est pas ce qui est le mieux coté actuellement. Je pense que cela s’inversera à l’avenir. Car pour l’instant, ce sont les années 1950-1960 qui font des prix records. Sans dénigrer cette période, je crois que les collectionneurs s’arrachent aussi «l’image» de Magritte.

Qu’en est-il de l’œuvre graphique ou sculptée ?
I. B.
L’œuvre de Magritte est assez complète. Il a assez peu de tableaux - environ 1 110 -, beaucoup de gouaches, de dessins, de bouteilles peintes ou de sculptures - des éléments extraits de son œuvre pour être fondus, juste à la fin de sa vie. En ce qui concerne les dessins, le marché est assez inégal sans doute parce qu’il n’y a pas de «sécurité d’authenticité» comme pour les tableaux et les gouaches répertoriés dans le catalogue raisonné de David Sylvester. Ce sont donc les dessins dont on connaît l’histoire, ceux qui viennent de la vente d’atelier qui valent le plus cher.

Biographie
1898 : naît à Lessines, Belgique.
1916-18 : étudie à l’Académie royale des beaux-arts, Bruxelles.
1921-6 : graphiste dans une usine de papiers peints.
1927 : expose à la Galerie du Centaure, Bruxelles.
1927-30 : séjourne près de Paris, rencontre le groupe surréaliste.
1947 : exclu du mouvement surréaliste.
1967 : meurt à Bruxelles.


 Zoé Blumenfeld
10.02.2003