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Expositions

Winchester : un mythe à répétition

Un regard critique sur l'épopée de la plus populaire des armes à feu.


© D. R.
SAINT-ÉTIENNE. Les peintures sont encore fraîches : après huit ans d'atermoiements, le Musée d'art et d'industrie a rouvert en décembre 2001 dans des locaux rénovés par l'architecte Jean-Michel Wilmotte. «La Légende Winchester» est la première exposition temporaire consacrée aux armes. La scénographie, classique et claire, invite le spectateur à parcourir une sorte de labyrinthe. Il y découvre des armes, des objets d'époque, des photographies, de nombreux panneaux didactiques… Le tout est divisé en trois grands chapitres. Le premier, «Une arme exceptionnelle», s'intéresse aux cheminements laborieux d'une technique (l'arme à répétition), puis à sa commercialisation sous la houlette d'Olivier Winchester. Le second, «La Conquête de l'Ouest», brosse à grands traits l'une des périodes clefs de l'histoire des États-Unis, déclinée en plusieurs thématiques (guerres indiennes, ruée vers l'or, chemin de fer…). «La mise en légende», enfin, montre comment un simple objet meurtrier fut élevé au rang de véritable mythe collectif grâce aux médias du XIXe siècle, puis au cinéma et à la bande dessinée.

Une arme marketing
L'amateur sera peut-être déçu en ne découvrant qu'un nombre très restreint d'armes d'époque. L'exposition se focalise en effet sur une cinquantaine de Winchester dites Commémoratives. À partir des années 1960, la firme se lance dans un commerce de la nostalgie et de l'héroïsme. Les Commémoratives, répliques exactes d'un modèle de 1894, célèbrent des événements, des personnages, voire certaines tribus indiennes. C'est dire combien le mythe Winchester est artificiel ! Historiquement, l'arme fut très peu utilisée par l'armée américaine et son succès commercial, à partir de 1873, est surtout lié à la chasse. La légende Winchester s'est greffée sur la mythologie plus vaste de la Conquête de l'Ouest. Montée en épingle dès les premiers shows de Buffalo Bill à la fin du XIXe siècle, relayée par les médias et les écrivains de l'époque, puis par les westerns, elle connaîtra ses derniers avatars avec la stratégie marketing de la société Winchester. L'exposition vise à décrypter cette légende, à la manière de Barthes dans Mythologies. Pour Nadine Besse, conservatrice en chef, les armes sont aussi des objets symboliques où l'on peut lire certains traits d'une société, d'une culture. Cette première tentative s'avère très honnête et reste divertissante, mais décevra ceux qui espéraient découvrir des perles rares ou une mise en scène spectaculaire.


 Jean-Emmanuel Denave
20.02.2003