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Cluny sort ses réserves

Entreposées dans les réserves du Musée national du Moyen Âge pendant plus d’un siècle, les céramiques hispano-mauresques retrouvent leur place dans l’hôtel particulier de la Dame à la licorne.


Plat à ombilic, céramique vers 1500
© Musée National du Moyen Âge.
PARIS. Pendant des années, les visiteurs du Musée de Cluny sont passés devant ce grand espace vitré, à proximité des ivoires et des vitraux du XIVe siècle, sans même remarquer la présence discrète des quelques céramiques hispano-mauresques. Les premières pièces de faïences entrent dans la collection à l’initiative d’Edmond du Sommerard, premier conservateur du musée, en 1848. Les achats se succèdent jusqu’en 1910. «En 1993, Alain Erlande-Brandenburg demande la construction d’une vitrine pour présenter ces œuvres à reflets métalliques conservées dans les réserves. Une fois mise en place, elle accueille les projets de fins d’étude de l’École Boulle puis, en 1994, une sélection de douze céramiques. rappelle Xavier Dectot, actuel conservateur. Cette présentation, qui devait être provisoire, a pourtant perduré jusqu’au mois de janvier dernier, date à laquelle Viviane Huchard, directrice de l’établissement, décide d’enrichir cette section de plus de soixante-dix pièces sorties des réserves. Ainsi, la plus importante collection de céramiques hispano-mauresques en France - cent quatre pièces datées du XVe au XVIIIe siècle - retrouve une présentation digne d’elle.

Les céramiques cachées
Importée d’Iran où elle a été inventée au IXe siècle, la technique de la faïence lustrée arrive en Espagne dès le XIIIe siècle. Valence en devient le principal centre de production à la fin du XIVe siècle. Recouvertes de motifs géométriques, d’arabesques et d’arbres de vie, les céramiques s’inspirent, dans un premier temps, du répertoire décoratif arabisant. «Relevant d’une parfaite maîtrise des techniques de cuisson et des glaçures, ces œuvres étaient destinées à une clientèle européenne aisée comme les Médicis ou les Montefiori. On aperçoit d’ailleurs un pot à onguents de ce type en arrière plan de la Pieta d’Avignon». Parmi les pièces majeures figurent un vase à anses à décor de vignes et de grappes de raisin ou des plats à figures de lion et d’échassiers (fin XVe siècle). Dès la fin du XVIe siècle, les couleurs disparaissent au profit du lustre - mélange d’oxyde de cuivre et d’argent qui donne des reflets métalliques. «Outre l’importance de cette production dans l’histoire des techniques et des influences stylistiques au Moyen Âge, l’exportation de la céramique hispano-mauresque marque aussi le passage, en Europe, de la vaisselle de métal à celle de céramique».


 Stéphanie Magalhaes
22.02.2003