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Expositions

Magritte, l’empereur des lumières à Paris

Pour sa rétrospective, le Jeu de Paume s'adapte à l'univers onirique du surréaliste belge.


Les grâces naturelles, 1948,
h. s. t., 81 x 100 cm,
collection particulière.
© ADAGP, Paris, 2003.
PARIS. Vers où marche-t-il, l'homme au chapeau melon et au pardessus gris ? C'est la question que soulève l'exposition montée par Daniel Abadie au Jeu de Paume. Plus concentrée qu'une rétrospective, elle propose, en cent dix tableaux, sculptures, dessins et photos, une approche précise de l'univers onirique de René Magritte. «Je ne suis pas un artiste mais un homme qui pense», assurait-il. Sans doute était-ce une de ces trahisons des mots qu'il aimait tant. Poser une énigme aux générations futures, voilà qui eût ravi le petit bourgeois belge qui, justement pour ne pas paraître artiste, peignait dans son salon, sous l'œil de son épouse, l'ineffable Georgette avec son petit chien à ses pieds.

Une inquiétante étrangeté...
Daniel Abadie montre que le plus classique des surréalistes en est venu, au fil des ans, à aimer la texture de la matière. Un Magritte si proche, presque familier. Inventeur d'obsessions, s'il est l'un des artistes les plus actuels et les plus pillés, c'est parce que derrière les rébus, les gags, les coq-à-l'âne, le créateur d'images drôles, percutantes, dérisoires revisite des interrogations formulées par Freud. Magritte parle du doute et de l'incertitude. Ce qu'il peint, secrété par l'invisible, conserve des distances avec le réel. Il disait que le mystère n'est pas une possibilité du réel, mais une nécessité pour qu'il y ait du réel. Loin du surréalisme, nous voici dans un sous-réalisme déboussolé et une lumière pas encore révélée.

Une lumière redistribuée
Abadie a connu là une rude épreuve : outre le prix extravagant des assurances, il a essuyé des refus de musées américains et il a dû se contenter de la version anglaise du célébrissime Ce n'est pas une pipe. Il a été jusqu'à entendre un prêteur américain exiger l'engagement que son tableau ne serait pas saisi, même en cas de guerre entre la France et les États-Unis. En revanche, il a eu le bonheur de rassembler trois exemplaires de L'Empire des Lumières, subtile variation connue comme La Nuit en plein jour. Il a retaillé son Jeu de Paume aux mesures de Magritte et distribué autrement la lumière. L'une des salles porte sur ses murs peints le ciel bleu et les petits nuages du peintre. On flâne en ce musée comme dans un lieu improbable, jamais vu : du réel qui n'existe pas.


 Nicole Duault
15.02.2003