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Marché

La Nouvelle Objectivité… Un marché à quatre noms ?

Des résultats «dopés» par Beckmann


Otto Dix, Portrait du Dr Fritz
Glazer,
h.s.t., 1921, 105 x 80 cm,
record mondial pour l'artiste :
5,1 millions d' €.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les conditions politiques et sociales que doit affronter l’Allemagne de Weimar suscitent une réflexion sur le rôle de l’art. Certains artistes s’attèlent à rendre compte de la réalité contemporaine avec rigueur et lucidité. Trait incisif, dessin analythique, utilisation maîtrisée des couleurs… tout les oppose au courant expressionniste qu’ils jugent entaché de complaisance et de sentimentalité.
En 1925, Gustav Hartlaub invente le terme de Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit) pour qualifier ces artistes dont il expose les œuvres à la Kunsthalle de Mannheim. Conscient des divergences entre ces artistes, il distingue cependant une aile «droite», marquée par les modèles néoclassiques et naturalistes, et une aile «gauche», virulente et engagée dans la dénonciation des injustices sociales de l’époque. Les Munichois Alexander Kanoldt (1881-1939), Carlo Mense (1886-1965) ou Georg Schrimpf compteraient parmi les premiers. Les artistes véristes sont George Grosz (1893-1959), Christian Schad (1894-1982), Otto Dix (1891-1969), Georg Scholz (1890-1945), Karl Hubbuch (1891-1979) et Rudolf Schlichter (1890-1955), évoluant plutôt à Berlin ou à Karlsruhe.
Depuis une dizaine d’années, la cote de ces artistes a augmenté, notamment sous l’influence des prix atteints par les tableaux de Max Beckmann. Généralement considéré comme un artiste de la Nouvelle Objectivité, bien qu’il évolue en marge de ces cercles, il rafle en effet huit des dix plus fortes adjudications de la dernière décennie. Cependant, le marché reste en grande partie représenté par des œuvres vendues entre 10 000 et 100 000 €. Une tendance qui contribue sans doute à expliquer que 20% du chiffre d’affaires soit réalisé en Allemagne.

La raréfaction des œuvres de qualité
Trois questions à Patrick Plaussu et Michèle Heyraud de la Galerie Tendances.

Peut-on parler d’un marché de la Nouvelle Objectivité ?
Michèle Heyraud.
C’est très difficile parce que le marché est constitué autour de quatre grands noms : Grosz, Dix, Schad et Beckmann - même si ce dernier est assez marginal. Or, la Nouvelle Objectivité ne correspond qu’à un moment de leur carrière. Stricto sensu, ce sont les années 1923 - 1930. C’est très évident dans l’exposition sur Otto Dix au Centre Pompidou : en 1929, dans le Triptyque de la Guerre, il a déjà complètement changé de style. Quant aux autres artistes de l’exposition de Mannheim, ils ne trouvent pas réellement de débouché sur le marché international. Ils se vendent surtout en Allemagne.
Patrick Plaussu. Et je ne pense pas que cela change. Au fil des années, on a su distinguer les grands peintres des artistes «locaux». Schlichter, cela fait effectivement penser à Grosz, mais cela n’en a pas la verve.

Quel est l’état du marché pour ces œuvres ?
M. H.
Les États-Unis s’intéressent depuis plus de vingt ans à ces œuvres et les Français commencent à les découvrir… Cela ne changera pas pour autant la situation à l’échelle internationale ! Le réel problème, c’est la raréfaction des œuvres de qualité. De très belles peintures, il n’en passe plus en vente. La plupart sont dans des musées ou dans de grandes collections privées. Alors, effectivement, lorsqu’elles apparaissent, elles atteignent des records !
P. P. Pour les très beaux dessins, c’est pareil. Nous participons à la Foire de Cologne depuis dix ans. Des papiers allemands des années 1920, on en voit beaucoup. Mais de qualité, très peu.

Reste-t-il tout de même de belles œuvres sur le marché ?
M. H.
Oui, heureusement. Grosz par exemple a beaucoup dessiné. Les papiers les plus recherchés sont ceux de la période Dada, mais on trouve de très belles pièces des années 1920 entre 15 000 et 25 000 €. Les gravures de Beckmann restent également accessibles, tout comme les dessins de Konrad Felixmüller.

Repères
Biographie :
1921 : George Grosz publie un recueil de dessins, Le Visage de la classe au pouvoir.
1925 : exposition «Neue Sachlichkeit» à la Kunsthalle, à Mannheim.
1927 : exposition «Neue Sachlichkeit» au Stedelijk Museum, à Amsterdam.
1928 : Otto Dix peint le Triptyque de la Grande Ville.


 Zoé Blumenfeld
18.02.2003