Accueil > Le Quotidien des Arts > André Breton : te brader, non !

Marché

André Breton : te brader, non !

La dispersion des trésors de l’écrivain surréaliste désespère de plus en plus de monde. Au point d’empêcher la vente publique prévue en avril ?


Good News Bay, Alaska, masque
esquimau à plumes, bois,
polychromie rouge, verte et blanche,
plumes, h : 27 cm, diam. : 47 cm.
© Sebert.
PARIS. «L’État doit assurer la sauvegarde de ce patrimoine national», écrivait au ministre de la Culture, le 19 février, Nicole Borvo, présidente du groupe communiste au Sénat. Pas un jour, sans que de nouvelles voix s’élèvent, afin d’éviter la dispersion du contenu du mythique appartement de l’écrivain surréaliste. Des centaines d’œuvres, d’objets, des milliers de documents : «Par leur accumulation, ils étaient en soi le surréalisme», soulignait le quotidien Le Monde en décembre 2002. L’ensemble, entièrement préservé jusqu’à la mort de la veuve, Élisa, il y a trois ans, doit être vendu par la fille, Aube. Toutes deux ont longtemps rêvé d’une fondation, que l’association Actual a tenté de mettre sur pied, de 1982 à 1993. Sans succès.

Se mobiliser...
Plus de 4 000 lots, estimation globale 30 millions € : que fait l’État ? Rien, hormis publier un communiqué de presse, le 14 février, signifiant qu’il accepte la dation de la décoration d’un des murs de l’appartement, soit deux cents œuvres et objets, présentés au Centre Pompidou depuis deux ans déjà. Le texte rappelle aussi que la France a acheté, en 1999, un ensemble de pièces primitives, pour le futur Musée du quai Branly, et souligne qu’Aube vient d’offrir au Centre Pompidou trois toiles de Miro, Matta et Brauner, ainsi que, à la bibliothèque Jacques Doucet, le bureau et les objets qui se trouvaient dessus. «Ce don est considérable», peut-on lire. Une pétition, lancée par deux jeunes écrivains en janvier, demande à l’État de préempter l’ensemble de la vente. Relayée par des stars telles que Jacques Derrida, Michel Butor, Yves Bonnefoy, Alain Jouffroy, Bertrand Tavernier ou Kenneth White, par des associations comme Patrimoine et Résistance, Erita (équipe de recherches sur Elsa Triolet et Aragon) ou Initiales (libraires), le texte a d’ores et déjà 2 500 signataires, stimulés par des informations parues dans le New York Times, en décembre 2002, dans Libération, en janvier, ou sur Canal +, en février. La dispersion n’aura peut-être pas lieu. D’autant que l’écrivain Didier Daeminckx vient de s’apercevoir que l’un des anagrammes de «André Breton» était «te brader, non» !


 Françoise Monnin
01.03.2003