Accueil > Le Quotidien des Arts > Alexis Velliet, «il fallait faire l’acquisition du premier lot»

Marché

Alexis Velliet, «il fallait faire l’acquisition du premier lot»

Le jeune commissaire-priseur de Piasa se souvient de la tradition qui accompagnait les premières tenues de marteau…


© D. R.
En 1993, on m’avait présenté cela comme une tradition, mais je ne pense pas qu’elle soit bien ancienne : un commissaire-priseur devait faire l’acquisition du premier lot de sa première vente. Généralement, il s’agissait d’un ensemble de choses insolites confectionnées ou ramenées par des proches hilares qui, bien sûr, étaient aussi là pour «pousser» discrètement le lot au maximum, dans une salle qui ne comprenait pas très bien ce qui se passait. La connotation légale de tout cela, c’est que l’on commençait son exercice sur une incartade au règlement ! Car il est interdit d’acheter dans sa propre vente. Ce n’est pas que je pensais passer entre les mailles du filet mais je ne me souvenais plus de cette tradition. On voit tout de même arriver cette «montée sur scène» avec pas mal de trac… Alors, quand j’ai vu arriver à Drouot des amis et mes frères qui vivent en province, je me suit dit «Aïe, aïe, aïe !». Ils étaient allés chercher de vieux vêtements au fond de mes placards. Les commissionnaires présentaient ces loques effroyables les unes après les autres. On peut dire que cela ne m’a pas mis à l’aise ! Mais, en même temps, cela permet de décomplexer : on est forcément gêné par la situation mais comme la vente doit continuer coûte que coûte, une fois que ce moment est passé, on est décoincé !

Tenir la salle
Ce jour-là, ce qui m’a semblé le plus difficile, c’est de maintenir le rythme. Comme stagiaire, on a déjà assisté à des centaines de ventes. On a souvent été à côté ou derrière la tribune, notamment en étant metteur sur table - c’est-à-dire en annonçant les objets lors des ventes courantes. Ce n’est donc pas tellement la vision de la salle qui change. Non, c’est plutôt cette capacité à maintenir l’attention et à entraîner la vente. On est rarement conscient que le moindre incident peut tout changer. Or, par exemple, une double enchère - l’une prise par le crieur et l’autre par le commissaire-priseur - peut remettre en cause l’équilibre de la vente. C’est comme un bruit qui viendrait troubler une pièce de théâtre et qui serait suivie par un moment de flottement dans l’ambiance et l’attention de la salle. Ce n’est pas un hasard si de grandes maisons anglo-saxonnes ont des teneurs de marteau «professionnels», des personnes sélectionnées pour leur capacité à «tenir une salle» qui parfois font leur «tournée» des ventes ! Cela traduit bien l’importance du rôle de direction de vente.


 Zoé Blumenfeld
05.03.2003