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Expositions

Allemagne, années vingt

Une trentaine d’artistes et deux cents œuvres sur papier tracent le portrait d’un mouvement, la Nouvelle Objectivité, au plus près du réel.


Otto Dix, Femme blonde, 1929,
crayon et aquarelle, 48 x 37,3 cm,
inv.: n °25, Staatliche Museen zu
Berlin, cabinet des estampes.
© Musée de Grenoble.
GRENOBLE. L’exposition que le Musée de Grenoble consacre à la Nouvelle Objectivité est l’ultime étape d’une redécouverte amorcée à Paris avec les expositions sur Beckmann, Dix et Schad. Ces artistes allemands de l’entre-deux-guerres étaient aussi peu connus, en France, qu’ils furent polémiques et contestés dans leur pays : art «dégénéré» pour le régime nazi, peinture réactionnaire pour le public de l’après-guerre (la seconde) qui voyait en leur œuvre l’amorce de l’idéal national-socialiste. Pourtant, Dix, Grosz, Beckmann et les autres ont peu ménagé leurs contemporains. Des portraits aux scènes de rue et de bordel, l’Allemagne des années vingt passe sous les fourches caudines de leur crayon, précis comme un scalpel. Ces dessins, fort beaux, font preuve d’une technique étourdissante, plongeant à l’évidence ses racines dans la Renaissance allemande. Le choix de l’œuvre graphique est des plus judicieux pour une telle redécouverte : le dessin est l’arme la plus incisive, la plus adaptée à ce désir de se tenir au plus près du réel. Face à l’expérience de la guerre, l’expressionnisme ne tient plus : la réalité est au-delà de toute fantasmagorie. Seul, le réalisme peut se faire témoignage. Dessiner, faire face au monde : une même attitude de courage, la seule possible. Ces facettes de l’Allemagne des années 1920 sont admirablement groupées et exposées, sans l’emphase d’un éclairage pathétique, en une abondante suite de salles aux murs colorés (quatorze, sans compter la tour carrée consacrée aux gravures). La couleur, les portraits photographiques d’artistes reproduits sur les murs sont autant de supports discrets et efficaces de l’intimité du dessin. L’exposition déploie les divers aspects de ce mouvement autour de la distinction un peu factice entre le vérisme et le réalisme magique, plus influencé par la Pitura Metafisica italienne. Cette opposition, distinguée par celui-là même qui les exposa pour la première fois en 1925 à Manheim, le galeriste Hartlaub, demeure tangible mais fragile. Par ailleurs, la quasi-absence de Schad, l’un des héros du mouvement, constitue l’une des faiblesses de l’exposition mais ne peut faire oublier la redécouverte de tous ces artistes aux noms inconnus : Georg Scholtz, Karl Hubbuch, Rudolf Schlichter, Otto Griebel…


 Emmanuelle Amiot
11.03.2003