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Champaigne pour tout le monde

Alors qu’une exposition nantaise vient de faire l’apologie de Simon Vouet, un ouvrage documenté propose un nouvel éclairage sur son rival Philippe de Champaigne.

Philippe de Champaigne (1602-1674) n’a pas été uniquement peintre de Port-Royal, ce berceau du jansénisme connu pour sa piété austère. Voici ce que démontre Lorenzo Pericolo dans une somme «de nature substantiellement militante» sur le maître d’origine bruxelloise. S’appuyant sur une riche iconographie et n’hésitant pas à proposer des attributions ou à revoir la chronologie, il bat en brèche cette idée reçue. Car au regard de la brillante carrière du peintre, les travaux pour les jansénistes ne furent qu’une étape. Refusant d’entrer dans l’atelier anversois de Rubens, Champaigne s’installe à Paris en 1621 alors que la concurrence s’annonce déjà relevée : Poussin, qu’il côtoie avant que ce dernier ne parte pour l’Italie, Vouet, son rival de la galerie des Hommes illustres du palais Cardinal, sont ses contemporains. Sachant infléchir sa formation de paysagiste flamand au goût français, doué d’un grand talent de coloriste, Champaigne travaillera jusqu’à sa mort pour la cour, du palais du Luxembourg - à côté du vieux Rubens - au Val de Grâce puis à Vincennes. Richelieu tentera d’en faire sa créature, l’employant sans relâche sur ses chantiers parisiens. Portraitiste de renom, c’est toutefois dans l’art du tableau de dévotion que la singularité de son talent explose. Fort d’une clientèle importante, le pieux Champaigne crée des images «contemplatives» qui mobilisent les sens plus qu’elles ne racontent l’histoire sainte. Ce talent fut sa force et sa faiblesse : figeant ses figures dans une «formule d’allocution» qui invite le spectateur à entrer en dévotion, il préfère le récit suspendu dans le temps à la narration qu’il maîtrise mal. À l’heure où Louis XIV impose son goût pour la peinture d’histoire de Le Brun, l’éloquence de Champaigne sera logiquement marginalisée.


 Sophie Flouquet
12.03.2003