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Patrimoine

Bombes sur Babylone ?

À côté des nombreux civils, une invasion de l’Irak ferait une victime collatérale : l’archéologie de l’un des berceaux de l’humanité.


La Ziggourat d'Ur
© Giovanni Bergamini
Mossoul, Ninive, Khorsabad, Ur, Samarra : en danger ? La question préoccupe suffisamment les chercheurs américains pour qu’ils aient publié un appel solennel en février 2002 dans la revue Archaeology. «En tant que plus ancien et plus important organisme consacré en Amérique du Nord à la protection du patrimoine mondial, l’Archaeological Institute of America exprime ses plus vives inquiétudes concernant les dommages potentiels aux monuments, sites, objets et institutions culturelles comme conséquence de la guerre.» Les États-Unis n’ont jamais ratifié la convention de La Haye (1954), qui interdit de prendre pour cible des monuments ou des édifices religieux. Le Pentagone a fait savoir qu’il collaborait avec des archéologues à la cartographie des sites les plus significatifs pour qu’ils soient autant que possible épargnés par les bombardements. Une «précaution» qui n’avait été prise que tardivement lors de la guerre de 1991. «Un communiqué a fait un jour état d’un bombardement réussi sur la ville de Ziggoura, explique Giovanni Bergamini, du Musée égyptien de Turin, qui a fouillé quinze ans en Irak, notamment à Babylone où il a exhumé le quartier des banques. Il s’agissait en fait de la ziggourat d’Ur, l’une des premières villes de l’histoire…» On estime entre dix mille et cent mille le nombre de sites archéologiques en Irak, qui a vu naître l’écriture et l’irrigation, le calendrier et les premiers textes de lois en Mésopotamie, entre Tigre et Euphrate. Combien sont menacés ? Certains ont déjà été fragilisés par les frappes de 1991, comme l’arc de Ctésiphon, et résisteraient difficilement à un second assaut. Même s’il est difficile d’établir un inventaire précis : les États-Unis ont toujours refusé qu’une commission de l’Unesco établisse un «audit» des dégâts. D’autres sont menacés car proches d’installations militaires, comme l’ancienne mosquée de Samarra. «Mais des milliers de sites n’ont jamais été fouillés, conclut Giovanni Bergamini. Ils sont en argile crue, enterrés à quelques mètres sous le sable. Le passage de colonnes de blindés aurait des effets catastrophiques.» Mais le pire serait encore à venir après la chute du régime, avec un trafic d’antiquités à grande échelle en direction de l’Occident…


 Rafael Pic
17.03.2003