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Expositions

Le musée rêvé de De Koning

Pour l'artiste hollandais, l'histoire de la sculpture est un palimpseste que l'on peut réécrire en termes architecturaux.


Vue de l’exposition.
© Musée des moulages, Lyon.
LYON. L'Esclave de Michel-Ange, la Victoire de Samothrace, l'Aphrodite de Cnide, le Laocoon… Autant de chefs-d'œuvre qu'il est loisible d'admirer à Lyon ! À un «petit» détail près : il s'agit de reproductions en plâtre à l'échelle 1, effectuées selon l'ancienne technique du moule à pièces. Le Musée des moulages de l'Université Lumière qui les abrite est un lieu pour le moins insolite. Fondé en 1891 à des fins pédagogiques, sa collection s'accroît peu à peu pour aboutir à un ensemble représentatif de l'histoire de la sculpture, de l'Antiquité au XIXe siècle. Depuis trois ans, le musée est installé dans un ancien atelier de confection rénové par l'architecte F. Brachet, et a impulsé une politique de remise en valeur de ses collections. Pour cela, l'institution invite des artistes à créer des œuvres in situ multipliant les lectures possibles du site et de ses copies de plâtre. Après Veit Stratmann, Krijn de Koning investit les lieux.

Recyclage architectural
La grande halle du musée a été scindée en deux par l'artiste : à gauche un espace quasiment vide, à droite une «forêt» de sculptures dense et luxuriante. On peut la parcourir en empruntant une sorte de «sente» bordée de murets aux couleurs variées. Les moulages sont regroupés en fonction de leurs volumes et de leurs tailles, en masses souvent compactes et sans aucun souci de cohérence chronologique. Les sculptures, ainsi disposées, semblent dialoguer, établir les unes avec les autres des liens anachroniques et incongrus. En déambulant à travers elles, le spectateur effectue une expérience plus physique et sensible qu'intellectuelle ou didactique. Les rythmes, les densités varient constamment, certains passages resserrés sont oppressants, d'autres plus ouverts permettent la contemplation… Fidèle à ses principes, De Koning transforme les sculptures en autant d'éléments architecturaux. «J'ai cassé tout ce qui concerne l'histoire de l'art pour ouvrir le regard à une vision en termes d'architecture. D'autre part, il y a un travail de détail sur certains moulages. J'en montre, par exemple, l'envers ou l'intérieur où se dissimule toute une vie insoupçonnée», explique l'artiste. Reprenant la division entre l'original et sa copie, il joue aussi d'oppositions entre le vrai et le faux, le plein et le vide. «On peut regarder le vide et interroger sa valeur». La photographie permettait à André Malraux de réévaluer et d'agencer les œuvres d'art en un vaste «musée imaginaire». Les moulages, ces «photographies tridimensionnelles», sont pour De Koning l'occasion de construire son propre musée imaginaire où espace, architecture et vérité matérielle priment. Pour le spectateur, l'expérience est stimulante.


 Jean-Emmanuel Denave
19.03.2003