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Du gratte-ciel au gratte-terre

Le gratte-ciel a démontré sa vulnérabilité : un ouvrage s’intéresse à son contraire.

Alors que la question de l’écologie préoccupe de plus en plus les architectes, certains maîtres d’œuvre envisagent avec subtilité la relation du bâti au site. La cinquantaine de projets ou réalisations récentes réunie par Aaron Betsky prouve la pertinence de cette architecture contextuelle qui se conçoit dans le «prolongement du paysage». Contre l’architecture arrogante du gratte-ciel, que Rem Koolhas avait qualifié de «super ego» (Delirious New York, 1978), ces «gratte-terre» - land-scrapper selon le mot de l’architecte Antoine Predock - s’inscrivent dans l’horizontalité, se dissimulent dans le paysage, exploitent des situations géologiques particulières (failles, cratères). Derrière ce vocable générique se cachent toutefois des formes et des programmes très divers, allant d’un centre d’observation pour satellites (Gustav Peichl) à la toute nouvelle bibliothèque d’Alexandrie (Snøhetta). Pour davantage de clarté, l’auteur en propose une typologie illustrée. L’architecture peut modeler le paysage - une utopie rendue réalisable par les progrès de l’ingénierie - comme l’illustre, dans la lande galloise, une séduisante villa fermée d’une seule façade vitrée ouverte comme un œil sur la mer (Future Systems). Certains bâtiments enfouis ou troglodytes favorisent la commémoration ou la méditation, notamment ce temple de l’eau à Hompukuji, dissimulé par Tadao Ando sous un bassin de nénuphars ovoïde dans lequel plonge une longue volée de marches. Des formes nouvelles naissent lorsque l’architecture se glisse dans la terre pour animer le sol : elles sont abstraites et anguleuses chez Zaha Hadid ou Antoine Predock. Enfin, des architectures fusionnées avec le paysage créent des extrusions à l’origine d’un nouveau paysage : le Roden Crater, ce volcan éteint de l’Arizona sculpté depuis 1972 par James Turrell, en est l’exemple le plus éloquent.


 Sophie Flouquet
18.03.2003