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Marché

Moustiers, le charme fleuri de ses faïences

L’engouement pour ces faïences délicates - accessibles à partir de 300 € - ne s’est pas démenti depuis les années 1960.


Grand plat de Clérissy en camaïeu
bleu à décor «Bérain», collection
G. Guerre, Avignon. © D.R.
Les faïences de Moustiers se reconnaissent à la qualité de leur émail d'une blancheur onctueuse, avec parfois une teinte légèrement rosée, effet sous-jacent de la terre argileuse cuite au grand feu. Mais c'est surtout pour la diversité de leurs décors que les connaisseurs apprécient ces œuvres issues d'un petit village de Haute-Provence accroché entre les rocs au-dessus d'un torrent. Une fois façonnées et sélectionnées, ces pièces fragiles étaient transportées à dos d'âne à la foire de Beaucaire, de l'autre côté du Rhône, d'où elles étaient largement diffusées.

Les débuts au XVIIe siècle
C'est un potier venu de Marseille, Pierre Clérissy, qui, à partir de 1679, est à l'origine du premier style de Moustiers. Lui-même fils de faïencier, il s'est entouré d'une équipe de décorateurs de talent. Il a réalisé d'abord des plats et des assiettes armoriées à dominante bleue, entourées de motifs floraux fins comme une dentelle. Son fils Gaspard s'est inspiré du peintre florentin Antonio Tempesta, célèbre pour ses scènes de chasse. Il excelle également dans les décors mythologiques animés de personnages. On lui doit encore les motifs à la Bérain, l'ornemaniste de Louis XIV, agrémentés d'amours joufflus, de singes, d'oiseaux, de chimères ou de femmes-papillons, d'une merveilleuse fantaisie. Également originaire de Marseille, Joseph Olérys s'installe à son tour à Moustiers vers 1738, après un séjour dans les faïenceries espagnoles d'Alcora. Il s'inspire, pour ses décors «grotesques», des petits personnages coiffés de plumes sortis de l'imagination du graveur Jacques Callot. Il orne souvent l'aile de ses assiettes de «fleurs de pommes de terre» vertes, bleues et jaunes. Associé à son frère Louis, Jean-Baptiste Ferrat succède à un père potier établi à Moustiers vers 1717. Son originalité vient de la technique du «petit feu», qui consiste en une double cuisson, la seconde à température réduite, permettant d'élargir la palette des couleurs. Certaines pièces sont émaillées d'un rose cerise d'une brillance inégalable. Tous ces décors sont d'une fraîcheur spontanée où la vivacité du trait semble effacer l'effort de l’artiste.

De 300 à plusieurs milliers d’euros
L'engouement pour Moustiers s'est manifesté dans les années soixante. Les prix se sont alors emballés, puis stabilisés à la fin du XXe siècle. Des assiettes à motifs verts ou jaunes restent accessibles à partir de 300 €. Les plats ovales valent de 500 à 800 €, selon la beauté des motifs. Les verrières, les écuelles, les pichets dépassent 1 000 €. Les Moustiers mythologiques polychromes, les pièces armoriées, les plats à décor «Bérain» peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros. Le marché français des faïences de Moustiers n'est pas affecté par l'absence des acheteurs américains qui s'intéressent davantage aux pièces de porcelaine.


 Jean Bedel
20.03.2003