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Expositions

La vie rêvée des choses

Poésie et rêve font bon ménage. Les surréalistes ont leur part de responsabilité…


Le petit fantôme, agate paradoxale,
20 x 15 cm; ancienne collection
Roger Caillois, Paris, MNHN
PARIS. Jaspe «veinée d’hématite» ou «agate paradoxale polygonale», cinq pierres semi-précieuses accueillent le visiteur, plongé dès l’entrée de l’exposition dans une profonde pénombre. Ici, on rêve ! Les deux cents œuvres ou objets rassemblés, tous trouvés ou créés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, sont essentiellement des manuscrits, des dessins, des photographies. Il y a aussi des machines permettant d’expérimenter les phénomènes de magnétisme ou d’électricité, des dessins de spirites, des radiographies de fluides, des peintures du cosmos, et des curiosités, comme cette sirène en cire, paillettes et cheveux, ayant appartenu au poète Desnos. Pour un peu, on se croirait dans l’appartement d’André Breton... L’écrivain a d’ailleurs inspiré le titre de l’exposition, Trajectoires du Rêve (1938). L’ensemble est délicieux, même si le propos des commissaires peut sembler confus. Il est ici question de «l’évocation, à partir du rêve, d’une conception particulière de la poésie, écrivent Béatrice Riottot El Habib et Vincent Gille. C’est, au fond, toute la connaissance qui est ici remise en jeu

L’invisible vu...
Novalis, Nerval ou Victor Hugo, qui écrivit de si belles pages à propos de «l’invisible vu», sont appelés à la rescousse, tout comme Breton. Chacun de ces poètes règne sur un quart de l’exposition, de manière analogique. L’impression ressentie n’en n’est pas moins plus proche de celle que suscite la visite d’un cabinet de curiosités, que de celle qu’on ressent à la lecture d’une thèse. Et c’est tant mieux. Ici, une boule à plasma fabrique des éclairs, comme dans une discothèque. Là, les photos de magnétiseurs en pleine action (1930) sont amusantes. Plus loin, la radiographie d’une vipère (1896) étonne, tandis que les décalcomanies de Tanguy, les frottages d’Ernst et les brûlages d’Ubac rappellent la multitude des expérimentations surréalistes. On va, on vient, d’un élément à l’autre. On lit, on regarde, on traîne beaucoup. Quelle chance, ce havre de magie, en plein cœur du si désagréable quartier des Halles !


 Françoise Monnin
21.03.2003