Accueil > Le Quotidien des Arts > De Staël, jour après jour

Expositions

De Staël, jour après jour

Des puissantes compositions des débuts aux aplats épurés de la fin, la rétrospective révèle un progressif éloignement de la matière.


Les Footballeurs, 1952, huile sur
toile, 14 x 22 cm. Musée des
Beaux-Arts de Dijon, donation
Granville photo : Hugues Martens.
© Adagp, Paris, 2003
PARIS. L’exposition «Nicolas de Staël» (1914-1955) à Beaubourg est à l’image d’un émouvant journal intime, que l’on explore peu à peu. Présentée de façon chronologique, elle commence avec une nature morte du début des années 1940 et s’achève en 1955, avec Le Concert, la dernière toile de l’artiste, inachevée. Les œuvres sont présentées à hauteur du regard, accessibles. Le passage d’une période à une autre est scandé par d’étranges moustiquaires grises, transparentes, comme autant de marque-pages scénographiques. Chez de Staël, pas de retour en arrière possible, l’œuvre se construit dans une logique implacable, comme un destin. En 1945, sa peinture, qui conserve des accents cubistes, est sombre. Puis, elle s’épure, se superposant en couches, que l’artiste applique soigneusement, comme un maçon, comme s’il s’agissait d’une préparation à la fresque. À partir des années 1950, le corps de la couleur montre une onctuosité comparable à celle qu’obtenait Chardin. De la peinture du passé, de Staël retient d’ailleurs la qualité de la matière. Il la travaille, parcelle par parcelle, pour obtenir des espaces étonnants sans recourir aux ruses de la perspective traditionnelle. Dans la plupart de ses paysages ainsi que dans la série des Footballeurs, la même toile peut être lue d’une manière purement abstraite ou comme une image d’un hyperréalisme poignant. Aucun autre abstrait de sa génération n’a réussi un tel pari. La belle Agrigente se définit par des rouges, des noirs, des blancs, des formes très géométriques. Le bleu est absent et l’on voit pourtant la mer. L’ensemble ici réuni des dernières œuvres, celles qui précèdent son suicide à Antibes, surprend même les connaisseurs. Celui qui était si «matiériste» n’utilise presque plus de matière, on voit la trame à travers la couleur. Ces toiles fantômes semblent nous dire quelque chose de bouleversant sur le fini et l’infini, l’existence d’un créateur, la vie et la mort.


 Ileana Cornéa
22.03.2003