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Expositions

Winthrop, un autre Barnes…

La «Petit Louvre» lyonnais présente une centaine d'œuvres d’une collection méconnue.


James Abott McNeill Whistler, Nocturne
en bleu et argent
, c. 1871-1872, huile
sur bois, 44,1 x 61 cm. © Photo Katya
Kallsen, Fogg Art Museum, Harvard
University Art Museums, don de
Grenville L. Winthrop.
LYON. C’est Grenville Winthrop (1864-1943) lui-même qui nous accueille : un grand portrait photographique le représente assis dans son jardin, entouré de ses oiseaux exotiques. La première salle, évoquant l'intérieur d'un appartement, invite le spectateur à se familiariser avec l'univers et la personnalité discrète de l'esthète new-yorkais. Après la disparition de sa femme et le départ de ses deux filles, Winthrop vit replié sur lui-même. Rentier, mais de fortune non démesurée, il se consacre entièrement à l'achat et à l'étude d'œuvres d'art. L'année de sa mort, il lègue 4 000 œuvres (dont 850 tableaux) au Fogg Art Museum de l'université de Harvard. Pour la première fois, une partie de cette collection mythique est montrée en Europe. Peu portés vers les peintres de son temps, moins dispendieux que ceux de Barnes ou de Morgan, les choix de Winthrop ont été motivés par la recherche d'un double plaisir : celui du beau et celui de la connaissance. Le scénographe Philippe Renaud a créé des espaces intimistes, raffinés et a couvert les cimaises de surprenantes couleurs, alternant le vert empire et le jaune orangé. La confrontation entre l'école française et l'école anglaise rythme le parcours. David ouvre la marche, suivi par Ingres, qui occupe une place centrale dans la collection, par les romantiques français, par les préraphaélites anglais, par les réalistes Courbet et Daumier, enfin par les impressionnistes Monet, Renoir ou Degas. Les chefs-d'œuvre sont innombrables : l'Odalisque à l'esclave d'Ingres fait face aux Cavaliers arabes enlevant leurs morts, de Chassériau, manifeste contre la colonisation en Algérie. Le Marché aux bœufs condense les attraits contradictoires de Géricault pour l'antique et le moderne. L'Apparition, de Gustave Moreau, côtoie la Salomé, de Beardsley, dans une même veine fantastique et décadente. On remarque, de manière générale, la prédilection de Winthrop pour les arts graphiques, l'orientalisme, le portrait et le nu. Et pour le paysage, mis en valeur, dans les dernières salles consacrées à la peinture américaine, par le fascinant Nocturne en bleu et argent de Whistler.


 Jean-Emmanuel Denave
24.03.2003