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Marché

Marc Chagall, la tranquille ascension des œuvres graphiques

Les records du maître de la couleur remontent aux années 1990.


Marc Chagall, Soldats, vendu
1,3 millions $, le 1er mai 1996
© Sotheby’s.
Dans le ghetto juif d’un bourg biélorusse, l’enfance de Marc Chagall est baignée de culture hassidique. À l’École des beaux-arts de Saint-Pétersbourg dès 1907, il travaille sous la direction de Bakst, notamment sur les décors des ballets de Diaghilev. Sur ses conseils, il part pour Paris en 1911. Installé à la Ruche, il découvre Daumier, Millet, les Nabis et les Fauves, se familiarise avec les recherches cubistes ou avec la loi du contraste simultané explorée par Robert Delaunay. Bloqué à Vitebsk pendant la guerre, il devient commissaire des beaux-arts de sa province, avant que Malevitch n’impose sa vision, puis séjourne à Moscou où il collabore avec le Théâtre juif.
À Paris dès 1923, il s’adonne pleinement à la gravure et assiste, à distance, à l’accueil que les nazis réservent à son œuvre : autodafé à la Kunsthalle de Mannheim, décrochage de ses peintures dans les musées allemands… Dans cette atmosphère, il quitte la France pour les États-Unis en 1941. Après son retour France, en 1948, il partage son temps entre Paris et la région méditerranéenne. Particulièrement prolixe, il travaille à de nombreuses commandes de décors publics inaugurée par les vitraux de la synagogue de l’hôpital Hadassah à Jérusalem, en 1960.
Marc Chagall a exploré toutes les techniques de l’art graphique : gouache, encre, aquarelle, pastels, collage, gravure sur cuivre, lithographie, etc. Souvent plus libres que les huiles sur toile, les dessins sur papier reprennent tous les thèmes chers à l’artiste : amoureux, portraits de Bella, visions de la vie à Vitebsk, scènes bibliques, cirque… Quant aux estampes, elles s’inscrivent notamment dans sa collaboration avec Paul Cassirer à Berlin et Ambroise Vollard. Ce dernier publie en effet les illustrations de Chagall pour Les Âmes mortes de Gogol, Les Fables de La Fontaine, le cycle du Cirque. La mort, en 1939, l’empêchera de publier La Bible, projet repris après-guerre par Tériade.
Uniques ou multiples, les œuvres graphiques constituent la grande majorité des Chagall proposés sur le marché. Une quarantaine d’entre elles sont ainsi proposées chaque année. On note une augmentation constante de leurs prix. Et ce, bien que les dix records de cette dernière décennie aient été établis avant 1999, par des pastels ou des gouaches antérieurs à 1950 comme Les Soldats, adjugée 946 708 € en 1996 par Sotheby’s à New York.

Trois questions à Jörg Hasenbach, Plus Galleries, Anvers

Peut-on parler d’une évolution du marché des œuvres graphiques de Chagall ?
J. H.
Difficilement. Marc Chagall est reconnu comme l’un des principaux artistes du XXe siècle. Le regard posé sur son œuvre n’évolue donc plus réellement. Mais, comme les autres grands noms de l’art moderne, ses prix continuent à augmenter de manière régulière. Lors de la crise des années 90, sa cote ne s’est pas effondrée : les collectionneurs demeuraient confiants. Aujourd’hui, la situation est la même. Malgré la chute du marché boursier, on continue à investir dans cette «valeur sûre».

Quelles sont les œuvres sur papier les plus recherchées ?
J. H.
Je répondrais sans hésiter : les aquarelles ! Il s’agit d’une technique excessivement difficile, qui ne permet aucune retouche, aucun repentir. Il n’y a jamais de demi-mesure. Sur le marché, les aquarelles les plus demandées correspondent aux sujets typiques de l’œuvre de Chagall : les scènes de cirque, les images parisiennes ou les couples d’amoureux volant… Les autres thèmes, notamment bibliques, sont recherchés par de vrais collectionneurs, pas par des personnes qui achètent leur première œuvre.

Que peut-on dire des lithographies ?
J. H.
Avec les lithographies, on touche une autre clientèle. Les tirages peuvent atteindre les 50 000 €… c’est le prix d’une petite aquarelle ! Le problème qu’il faut souligner, c’est celui de l’authentification. Il n’est pas propre à Chagall, bien sûr. Il se pose également pour Picasso, Dali ou Miro, pour ne citer qu’eux. Cependant, beaucoup de faux circulent et la Fondation Marc Chagall de Paris ne fournit pas de certificat pour ces multiples. Il faut donc être très vigilant, être en contact avec un marchand auquel on peut faire confiance ou se constituer un savoir précis en accumulant des informations sur la taille exacte des tirages, etc. Et puis, il ne faut pas espérer faire une «bonne affaire». En fait, contrairement à ce que l’on peut imaginer, entreprendre une collection d’estampes demande bien plus de connaissances que de se consacrer aux dessins !

Biographie :
1887 : naît à Vitebsk.
1907 : étudie à l’École des beaux-arts de Saint Pétersbourg.
1911 : s’installe dans la Ruche, à Paris.
1920-1 : collabore au théâtre juif de Moscou.
1941-8 : exil aux États-Unis.
1964 : travaille au plafond de l’opéra de Paris.
1985 : meurt à Saint-Paul-de-Vence.


 Zoé Blumenfeld
01.04.2003