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Expositions

Vous reprendrez bien du Parmesan

L’exposition consacrée au maître maniériste est bâtie comme un grand exercice de marketing.


Le Parmesan, Autoportrait,
c. 1540, Parmes, h. s. t. , papier
autrefois collé sur toile, Galleria
nazionale.
© Galleria nazionale, Parmes.
PARME. Dès le départ, le lien est fait entre Le Parmesan et le maniérisme européen : l’exposition commence avec son précurseur immédiat, Le Corrège, avec Rosso Fiorentino et Le Pontormo, et se prolonge avec l'École de Fontainebleau et l'École de Prague à l'époque de Rodolphe II. Mais le parcours proposé dans le palais de la Pilotta est un labyrinthe inextricable, balisé de gadgets électroniques, dans une scénographie calamiteuse - le visiteur erre dans un monde gris souris. Avec tout le mauvais goût et le kitsch qui ont servi à la publicité de l'exposition, vendue comme un produit alimentaire ou une voiture de gamme moyenne… Il faut dire que Vittorio Sgarbi, l’ancien secrétaire d’État à la Culture, davantage connu pour son sens de l’autopromotion que pour son action politique, a été appelé pour le marketing culturel de cet événement. Et cela se voit. Après avoir vu les chefs-d'œuvre du maître émilien dans les conditions les plus étranges (à quelques exceptions près, comme la Vierge au long cou de Florence), dans les salles les plus petites, et comme au fond d'un puits, on atteint les tableaux des autres maniéristes italiens (Anselmi, Bedoli et Bertoja), les tapisseries d'après le Primatice ou les tableaux de l'impressionnant Sprangler, si, bien sûr, on ne se trompe pas de chemin.

Une vision du monde qui reste à interpréter
Si les organisateurs ont fait de cette manifestation un Barnum de la maniera ou un péplum électroacoustique où les œuvres tiennent la part congrue, il n'en est pas moins vrai qu'elle nous offre l'occasion de voir réunies la plupart des créations de cet artiste énigmatique : de ses fascinants autoportraits à L'Esclave turque de la Galerie de Parme ou au Cupidon fabriquant l'arc de Vienne. La collection de gravures permet de découvrir des tableaux bien connus, mais aussi des œuvres inconnues, inachevées ou disparues. L’intérêt de l’exposition n’est-il pas, au fond, de montrer la direction étrange et vertigineuse - vite corrigée par un retour au classicisme - que le maniérisme a donnée, à coup de distorsions, d’illusions optiques, d’aberrations anatomiques, à une partie de l’art européen ? D’où il ressort que le maniérisme n'est pas un problème strictement esthétique, mais une conception du monde dont on ne parvient toujours pas à interpréter les tenants et les aboutissants.


 Gérard-Georges Lemaire
11.04.2003