Accueil > Le Quotidien des Arts > Au bonheur des diables

Livres, CD, DVD

Au bonheur des diables

A l’heure où l’action menée contre un «Axe du Mal» ressuscite une forme de messianisme, une iconographie du Malin replace ce besoin de manichéisme dans une perspective historique.

Spécialiste de la sorcellerie, l’historien Robert Muchembeld analyse le mythe du Diable et ses représentations à partir d’une magnifique iconographie. Dès le XIIe siècle, est fixé le stéréotype diabolique que l’on peut découvrir sur les enluminures : un être ailé, cornu, griffu, poilu dont l’aspect ignoble et la couleur verdâtre évoquent l’image du futur Martien - un autre envahisseur extra-terrestre - de la science-fiction. Dans un monde conçu par et pour les hommes, la femme est perçue comme une menace susceptible de renverser l’ordre établi. Elle n’a pour choix que celui d’être épouse docile… ou sorcière. Les XVIe et XVIIe siècles cristallisent cette peur : procès en sorcellerie, tortures, bûchers témoignent d’une guerre des sexes, réplique de celle qui oppose Dieu et Diable. Les gravures de Goya ou de Félicien Rops témoigneront, longtemps après, de cette «vogue» de la femme satanique. A partir du XVIIIe siècle, le démon s’intériorise et symbolise les pulsions qui nous animent et que Freud élucidera. Le XIXe siècle tente sa réhabilitation, voyant en lui un insoumis qui préfère «régner en enfer que servir au ciel» (Byron). Peu à peu, son image se banalise. Il se transfigure pour la publicité en promesse de plaisirs, de jouissances, de transgressions bénignes, à l’image de ce cirage qui fait briller les chaussures davantage que les yeux du Malin…


 Nolwenn Chauvin
15.04.2003