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Patrimoine

Un art éphémère ?

En Irak, les dommages collatéraux touchent aussi l'art contemporain et la commande publique.

Saddam encore... Mais peut-on passer sous silence les problèmes d'une activité artistique totalement sinistrée ? Places publiques, bureaux officiels ou privés, un portrait du Rais était toujours là. La vie des portraitistes était facile, même si le traitement d'un unique sujet y introduisait une certaine monotonie. Salam Abed, auteur de plus de 300 portraits, disait connaître le visage de Saddam aussi bien que le sien… Mais Rembrandt aussi a multiplié les autoportraits. Et à 75 et 100 euros pièce - une fortune en Irak - des dizaines d'artistes pouvaient vivre décemment de leur art. Les temps ont changé. Les ateliers ont été dévastés, les portraits détruits par milliers. En dépit de l'intérêt récent montré par les Etats-Unis pour la restauration du patrimoine artistique local, il est peu probable qu'ils l'étendent à ces œuvres, même pas dans le cadre du rôle central qu'ils entendent donner aux Nations-Unies. Et les commanditaires ont disparu avec le sujet.
Notre confrère Karen McVeigh, du Scotsman, a retrouvé deux de ces portraitistes. Tous deux s'inquiètent de leur avenir. Ils travaillaient sans enthousiasme mais leur vie – et leur survie - s'en trouvait assurée. Haider Dehloz - plus de 50 portraits - ajoute que même si le sujet ne mérite pas mieux, il est dur de voir son oeuvre ainsi réduite en cendres. Yawad-al-Yobur, plus âgé, veut désormais se consacrer aux anonymes. Au demeurant qui peindre ? Bush, l’autre Rais ? Pas question ! Yawad méprise les Américains. Haider pourrait, mais a peur de représailles. Alors ? A la réflexion, au train où va la démocratisation, l'activité n'est sans doute que très provisoirement sinistrée. Un ou deux commanditaires sérieux pourraient rapidement se manifester.


 Danielle Arnaud
07.05.2003