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Guggenheim, si tu vas à Rio

Un accord vient d’être signé pour la construction du sixième anneau de la galaxie Guggenheim. L’architecte en sera Jean Nouvel.


© Guggenheim Rio de Janeiro
RIO DE JANEIRO. Après New York, sa base, puis Venise, Bilbao, Berlin et Las Vegas, la fondation Guggenheim comptera en 2007 une nouvelle antenne au Brésil. Située sur le vieux port, sinistré, de la ville au Pain de sucre, elle ressemblera à un bateau à moitié immergé ou, selon les mots de l’architecte, à une sorte d’Atlantide. Jean Nouvel, qui a signé l’Institut du monde arabe et qui achève actuellement l’extension du Musée Reina Sofia à Madrid, a voulu rendre hommage à Frank Lloyd Wright, l’auteur du siège new-yorkais, en jouant sur des formes géométriques simples : rectangle, rond, carré. Les premiers coups de pioche devraient être donnés au mois de juin pour une ouverture quatre ans plus tard. L’intention du maire de Rio, César Maia, est de revitaliser un quartier entier de la ville, à l’image de ce qui a été fait à Bilbao avec la créature de titane de Frank Gehry. Il estime à 500 millions $ par an les effets induits sur l’économie locale, incluant dans ce chiffre optimiste la construction de nouveaux palaces ou la multiplication des escales des paquebots de croisière américains. Thomas Krens, le directeur de la fondation Guggenheim, a employé des accents lyriques pour souligner l’émergence d’un axe culturel nord-sud et l’engagement de ce nouveau musée à stimuler l’art latino-américain en menant une véritable politique d’acquisition. Pour une institution planétaire en difficulté financière - la politique d’expansion tous azimuths de Thomas Krens a été sévèrement contestée ces derniers mois et le colossal Guggenheim bis de New York a été abandonné - cette nouvelle bouture est surtout une bonne opération financière. La fondation Guggenheim, qui va piloter le projet pendant vingt-cinq ans, va recevoir près de 29 millions $ de royalties, dont elle reversera une partie à ses associés, les musées de l’Hermitage et le Kunsthistorisches de Viennes, qui disposeront d’espaces d’exposition. Sur place, les avis sont beaucoup plus partagés. Le ministre de la Culture, Gilberto Gil, craint un effet de siphon, l’énorme investissement consenti par la ville - 130 millions $ - asséchant les fonds disponibles pour d’autres institutions. Ce musée pharaonique cadre d’ailleurs mal avec les nouvelles orientations défendues par le président Lula, comme la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Un rapport d’experts parle d’un probable «Titanic culturel». Les auteurs ne sont peut-être pas impartiaux - l’un d’eux est Maria Parreiras, directrice du Musée impérial, à Rio - mais ils soulignent que les sommes en jeu faussent le jeu de la concurrence. Ainsi le coût de la seule résille d’aluminium décorative qui doit couvrir le bâtiment - 3,7 millions $ - permettrait d’assurer le fonctionnement du Musée des beaux-arts pendant six ans… Quant aux honoraires du bureau de Jean Nouvel - 12 millions $ - ils suffiraient pour un bon quart de siècle.


 Rafael Pic
12.05.2003