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Marché

Lagerfeld : adieu à l’Art déco

Le styliste se sépare d’une collection de plus de deux cents pièces d’ameublement et de décoration.


Coiffeuse en bois laqué noir
plaqué de galuchat fileté de cuivre
,
Esti. : 100 000/150 000 €
© Sotheby's
PARIS. Tous les grands noms des années vingt et trente y figurent : Pierre Chareau, André Groult, Eileen Grey, Paul Dupré-Lafon ou Jacques-Emile Ruhlmann. Mais, à bien y regarder, cette vente rend un hommage encore plus appuyé à une autre personnalité : la galeriste parisienne Cheska Vallois. A la rubrique «provenance», qui décrit la généalogie des lots, elle est omniprésente. Ce qui confime, s’il le fallait, son statut de grande prêtresse de l’Art déco, à côté de ses collègues Jacques de Vos, Pierre Passebon ou Anne-Sophie Duval. Même si l’Art déco est désormais une valeur sûre, le moment est très bien choisi : le Victoria & Albert Museum, à Londres, annonce avec des accents triomphalistes, que l’exposition Art Deco 1919-1939 a déjà accueilli 100 000 visiteurs en cinq semaines et qu’elle sera, à sa fermeture, la plus visitée de son histoire, avec près de 350 000 billets vendus. La collection Lagerfeld permet d’avoir un aperçu de l’extraordinaire créativité de la période sans avoir à traverser la Manche. «Ce sont des œuvres strictes et sévères, très pures, point trop décoratives» juge l’expert, Jean-René Delaye. Le goût des matériaux rares ou originaux transparaît chez tous les grands : boîte à cigares en laque noire, peau de serpent rouge et coquille d’œuf incrustée chez Jean Dunand (2 000 euros), pied de lampe en bois marqueté de mica chez Jean-Michel Frank (20 000 euros), coiffeuse en bois laqué noir plaqué de galuchat chez Pierre Legrain (100 000 euros), cheminée en pierre blanche, acier et dalle d’opaline noire chez Dupré-Lafon (15 000 euros). Mais aussi le parchemin, l’ébène, l’acajou, le palissandre, le chrome et le linoléum, le plâtre patiné ou le chêne dédoré… On sent dans chacun de ces objets comme une jouissance à exploiter toutes les ressources des bois précieux et des matériaux modernes, à marier le savoir-faire de l’artisan et de l’industriel. A côté des céramiques de Soudbinine - «un ensemble rarissime» selon Jean-René Delaye - on aura aussi plaisir à retrouver des signatures moins connues comme les Desny avec leurs lampadaires «modernistes», Marcel Coard et ses tables africanistes (15 000 à 70 000 euros) ou Paul Iribe, célèbre pour ses dessins humoristiques, ici présent avec un tapis rond (6000 euros). Le summum du luxe étant d’acquérir le nécessaire de foyer de Pierre Chareau - pelle, balais, pique feu et pincettes en fer patiné noir à 8000 euros - pour dépoussiérer votre cheminée…


 Rafael Pic
15.05.2003