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Expositions

Lartigue, le long fleuve du bonheur

Cent vingt albums tenus au jour le jour entre 1901 et 1986 invitent au parcours d'un enfant gâté du XXe siècle. Images d'un bonheur à tout prix protégé et enfin partagé.


Jacques Henri Lartigue,
Ma cousine Bichonnade,
40 rue Cortambert, Paris, 1905
Photographie J.H. Lartigue,
© Ministère de la Culture-France
/A.A.J.H.L.
PARIS. Quand John Szarkowski, directeur du département de la photographie du MoMA de New York décide en 1963 d'exposer une sélection de photographies de Jacques-Henri Lartigue, le grand amateur est presque inconnu et bientôt septuagénaire. Né riche, avec le privilège de se consacrer à ce qu'il aime, Lartigue n'a jamais été confronté à la nécessité de devenir célèbre. Pièce maîtresse de la donation à l'Etat de 1979, de grands albums remplis dès l'enfance consignent d'abord les bonheurs vécus au sein d'une famille bourgeoise et aimante. Ces recueils 52x36cm reliés à l'italienne, Lartigue en accumulera plus de cent, depuis les premières photos prises en 1901 avec l'appareil à plaque 13x18cm, cadeau paternel, jusqu'au terme de 1986 au mot « fin » pré-dessiné. Avec la sélection initiale du MoMA accrochée en préambule, l'exposition du Centre Pompidou déroule pour la première fois ce fil continu d'une villégiature perpétuelle, d'une vie ensoleillée d'affection et de relations amoureuses. Ouverts sous vitrines, les albums révèlent un Lartigue aussi obstiné que doué, précis dans ses légendes, attentif à ce qui est beau, élégant ou simplement joyeux. Les clichés de temps de la Grande Guerre ou des réfugiés de Hongrie en 1957 n'assombrissent pas cette ligne qui, en six loges parcourues en méandres, conduit à l'espace audiovisuel où est projetée l'intégralité des 14317 pages. De l'autre côté de l'allée, quatre salles exposent une sélection de vues stéréoscopiques, de plaques autochromes, de tirages originaux ou réalisés du vivant de l'artiste. Sobre, stricte, efficace, la scénographie facilite l'entrée dans l'univers de Lartigue, qui de privé devient universel. Plus intimiste encore est l'exposition, par la galerie Bellier, des photographies tirées d'un album singulier, composé par le jeune Jacques pour sa mère et resté dans la collection personnelle du photographe. Entre autres merveilles, cette « Première photographie de Papa et Maman, Pont de l'Arche, 1902 » d'un petit garçon de huit ans…


 Hervé Le Goff
06.06.2003