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Expositions

Tanagra : derrière les statuettes, la ville

Le Louvre restitue la richesse archéologique de la cité qui a légué son nom aux célèbres personnages en terre cuite.


Oenochoé béotienne à
embouchure trilobée vers
735-720 av. J.C.
© RMN 2003
PARIS. Tanagra : le terme est entré dans le lexique des noms communs. Il indique une «figurine en terre cuite d'une grâce simple» (Le Robert). En 1870-71, les fouilles dans la nécropole de Tanagra, en Béotie, donnèrent un riche butin archéologique et, notamment, des dizaines de ces statuettes, qui eurent dès lors une appellation toute trouvée. Elles connurent une vogue extraordinaire en France, à tel point que l'on reconstitua à l'Exposition universelle de 1889 un atelier de potier tanagrien. Les premières vitrines décrivent cette mode, dont furent victimes aussi bien Daum, que le céramiste Bigot, le peintre Gérôme ou la célèbre Loïe Fuller, qui imitait dans ses ballets les poses de ces danseuses drapées. Un tableau de Vuillard résume bien un intérieur bourgeois de la Troisième République: sur la cheminée trônent une copie de la Vénus de Milo et des tanagras.


Dame en bleu, vers 330-300
av J.C, argile brun rosé
© RMN 2003
Le mystère de la Dame en bleu
Les Athéniens de l'Antiquité, qui méprisaient les Béotiens - ils jouent le rôle du «plouc» dans les comédies d'Aristophane - seraient vexés de voir que leur propre invention a été ainsi détournée. Car les premières tanagras ont été produites à Athènes, au début du IVe siècle av. J.-C, avant d'être brillamment recopiées à Tanagra. Mais le propos de l'exposition n'est pas de trancher une querelle de priorité. Elle vise à restituer, dans une scénographie lumineuse, sur fond de tissus froncés, l'existence d'une cité prospère du XIVe siècle av. J.- C. jusqu'au début de l'ère chrétienne. Les artisans de Tanagra savaient, comme tous les Grecs, manipuler l'argile. En atteste, dès le XIIIe siècle av. J.-C., ce touchant cercueil d'enfant, aux couleurs étonnamment bien conservées. Si certaines de leurs productions ont un côté rude ou familier - ainsi ces personnages de la vie quotidienne, coiffeur ou boucher - d'autres atteignent à une remarquable finesse comme la célèbre Dame en bleu du Louvre, dorée à la feuille et munie de son éventail, de son chiton et de son himation.

Jusqu'à Babylone
La commissaire Violaine Jeammet, qui préparait cette exposition depuis des années, se dit satisfaite des prêts étrangers, notamment des musées grecs, qui ne sont pas toujours d'un commerce facile. Sa maîtrise de la langue l'aura bien aidée pour obtenir ces Éphèbes ou ces Femmes debout venus de Thèbes et de Mytilène. Véritables santons de l'Antiquité, obtenus par moulages, les tanagras envahissent, comme le montre une carte murale détaillée, toute la Méditerranée orientale, à l'est d'une ligne Marseille-Palerme, qui signe le partage des eaux entre culture grecque et romaine. On en trouve dans les Pouilles, où ils deviennent de véritables pièces montées surmontant des vases, en Crimée et jusqu'à Babylone, dans l'Irak actuel. La quête des tanagras ne connaît pas de trêve : «En 2000-2001, on en a encore mis au jour à l'occasion de la construction du chemin de fer à Thèbes».


 Rafael Pic
19.09.2003