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Andy Warhol, vos papiers !

Photomatons, autocollants ou relevés bancaires : le contenu de la Pop Box dessine en creux la vie de l'artiste pop.

La Pop Box est un coffret qui s’inspire des « Time Capsules », les boîtes cartonnées dans lesquelles Warhol entassait (comme Marcel Duchamp avant lui) à l’envi, dans les années 70, lettres et cartes postales, invitations, relevés bancaires, coupures de presse ou menus objets. Une fois emplie, la boîte était scellée, datée et estampillée d’un numéro avant d’aller rejoindre les précédentes dans les archives de l’artiste. Six cent dix capsules ont été recensées, et la Pop Box se propose d’être la 611ème. Seule différence : les objets retracent la vie de l’artiste, évoquant les moments forts de son œuvre.

L'argent des toilettes
En consultant les objets hétéroclites (bague-tampon encreur, autocollant, badge) contenus dans la Pop Box, on découvre peu à peu de quoi fut faite la vie de Warhol. Andy Warhola - il fera de la coquille d’un journaliste une légende, en effaçant la dernière lettre de son nom - fait ses armes dans la publicité à New York. En guise de cartes de visite, il distribue des dessins aux légendes fantaisistes. Grâce à lui, jusque dans les pays où la marque ne fut jamais commercialisée, on connaît l’image de la soupe Campbell. « Revisitées », Marilyn et Jackie Kennedy deviennent des icônes, images commerciales, purs « produits » warholiens, comme en atteste la lettre d’une Liz Taylor désincarnée qui signe : « Elisabeth or Liz (of A. W.’s fame) », allusion à sa série de portraits « Fame and Fortune ».
Fasciné par la mort, il met en scène ses propres cicatrices, séquelles de l’attaque subie en 1968 et dont il réchappa par miracle. La vie est pour lui une somme d’expériences, qu’il explore au sein de la Factory, son atelier/appartement/laboratoire peint couleur argent (jusqu’au siège des toilettes ; les cheveux du maître subissent le même traitement) où se croisent artistes, journalistes et anonymes en quête des « dix minutes de célébrité » promises par le visionnaire Warhol. Le Velvet Underground y naît, de même que de nombreux films mettant en scène ses égéries au destin tragique, Nico, Edie Sedgwick…

Un refusdu MoMA
Souvent dépeint comme un dilettante aux visions hallucinées, Warhol se révèle ici, à travers ces vingt petits témoignages de sa vie, un artiste prolixe et avant-gardiste, qui a intégré très tôt quelques règles élémentaires de marketing. On se demande même si «flyers» et autres «goodies» dont on nous abreuve aujourd’hui ne doivent pas tous quelque chose à Andy Warhol. De son vivant, il construit minutieusement sa légende ; en répertoriant et archivant son univers, en créant son propre magazine ou en en proposant lui-même ses œuvres aux musées qu’il choisit (une lettre de refus du MoMA en 1958 prête à sourire quand on songe à la rétrospective organisée deux ans après la mort de l’artiste).
Manipulateur ? Ego surdimensionné ? Il y a pourtant quelque chose de l’enfance dans la Pop Box, une réminiscence de boîte en fer-blanc déterrée au fond du jardin. Warhol se disait « archiviste du rien ». C’est cette somme de petits riens qui fait l’air du temps, celui-là même qu’on retrouve « encapsulé » dans la Pop Box.




 Elodie Palasse
13.10.2003