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Marché

Un thé chez les écureuils

Animaux empaillés : valeur à suivre. C'est l'enseignement de la curieuse vente qui vient de se tenir dans une auberge anglaise…


Walter Potter, Le Club des écureuils
(1880), estimé 4 000 £, vendu 6 463 £.
LAUNCESTON. Une compagnie de chatons, en fracs et robes bariolées, assistant à un mariage célébré par monsieur le maire (chaton lui aussi)… Un groupe de dignes écureuils passant la soirée au club, comme tout Anglais qui se respecte… Un ours blanc, mascotte de la BBC, des rats, une girafe et des rouge-gorge mais aussi un agneau à deux têtes et un canard à quatre pattes… Un inventaire à la Prévert ? Pas du tout : le contenu de Jamaica Inn, une auberge excentrique en Cornouaille anglaise, qui fit les délices de Daphné du Maurier dans le roman homonyme. Ces six mille animaux empaillés dans des poses humaines, qui viennent d'être mis à l'encan, sont un résumé saisissant de la société victorienne. Ils sont l'œuvre d'un taxidermiste passionné, Walter Potter (1835-1918), qui passa sa vie, dans les vertes prairies du Sussex où il habitait, à naturaliser nos amies les bêtes, en commençant par son propre canari.


Walter Potter, Le Mariage des chatons
(1890), estimé 8 000 £, vendu 21 150 £.
L'empailleur empaillé
Agé de 160 ans, celui-ci était, au moment de la vente menée sur le site par Bonhams (23 et 24 septembre), le doyen d'une assemblée, dont les autres membres avaient été trouvés morts le long des chemins ou rapportés par des collaborateurs émérites comme le chien Spot, chasseur hors pair de rats. Jusqu'au jour où Spot se blessa en sautant de la fenêtre de l'étable et finit, malgré lui, sous les doigts habiles du taxidermiste. Spot et ses amis sont aujourd'hui séparés. Les nouveaux propriétaires ont décidé de mettre à la porte cette ménagerie encombrante, exposée depuis des décennies dans l'auberge, afin de construire dix nouvelles chambres. On savait les Anglais excentriques mais rien ne laissait prévoir le succès de la vacation. Le produit total a atteint 530 000 £. La plus forte enchère a porté sur La Mort de Cock Robin, le premier «tableau» de Walter Potter, réalisé en 1861 avec pas moins de 98 oiseaux différents. Il a été acheté par Robert Chinnery, de la Victorian Taxidermy Company, à 23 500 £. Plusieurs autres compositions ont dépassé les 15 000 £, comme Le Mariage des chatons (21 150 £), La partie de croquet des chatons (18 800 £) ou L'Ecole des lapins (15 275 £). Les animaux empaillés respectent les mêmes règles que les camées ou les médaillons : plus c'est petit et minutieux, plus c'est cher. La notoriété acquise pendant des années de tournage dans la série Steptoe & Son n'a servi à rien à l'immense grizzli, qui ne s'est monnayé que pour 7 600 £.


 Charles Flours
27.09.2003