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Vents du sud à la FIAC

Pour sa 30e édition, la manifestation se présente comme une bonne foire généraliste, avec un contingent en hausse de galeries d'Europe méridionale.


Elisabetta Benassi, Fuga, 2001
installation : MDF, Yamaha Disc
Klavier, enamel paint, leather racket
Courtesy Nicola Fornello, Turin
La FIAC n'a pas l'aura de la foire de Bâle mais en près de trente ans, elle s'est, comme on dit, installée dans le paysage français et européen. Que de chemin parcouru depuis la première édition de 1974, dans l'ancienne gare de la Bastille, montée par Danièle Talamoni et Jean-Pierre Jouët. La FIAC a connu le Grand Palais, les tentes du Quai Branly et, depuis 1999, la porte de Versailles. Elle est passée de 9 000 à 70 000 visiteurs, est montée jusqu'à 200 galeries (en l'an 2000), a connu une crise sérieuse en 1995, a fait le choix, entre 1987 et 1999, d'honorer un pays particulier. Elle a ouvert, comme il se doit, une section pour les jeunes galeries (Perspectives en 1996) et un espace pour la vidéo (Video Cube en 2001). A l'heure des bilans, alors que se profile un nouveau concurrent en terre londonienne (Frieze la semaine prochaine), la FIAC apparaît plus que jamais comme une bonne «généraliste». Ni résolument d'avant-garde, ni cantonnée dans l'art moderne, ni franchement spectaculaire dans les nouveaux médias. Ce qui lui vaut d'essuyer de nombreuses critiques mais qui, au fond, lui permet également de satisfaire un public varié.


Hervé Télémaque, L'Agitateur1966, acrylique sur toile,
Courtesy Galerie Louis Carré
& Cie, Paris
Revoir Brauner, découvrir Leite
Une tendance se dessine depuis quelques éditions : un retour à l'ordre avec une prédominance de la peinture. Peinture des anciens, bien sûr, Herbin (chez Lahumière), Ubac (chez Thessa Herold) ou Brauner (chez Samy Kinge) mais aussi celle des plus jeunes, de Julian Opie, membre des terribles Young British Artists (chez Lisson), ou de Jan Voos avec ses élégants reliefs en papier (chez Nothelfer) jusqu'à Luis Coquenão, chez Mario Sequeira, dont c'est la première participation. «Je viens parce que j'apprécie le public français, explique le galeriste de Braga. J'espère faire des affaires mais je voudrais surtout faire connaître de jeunes artistes portugais comme Balthazar Torres ou Ana Maria Leite» De cette dernière, on peut acquérir Lollipop, une composition en techniques mixtes, recouverte d'un vernis industriel, pour 6 000 euros. Autre nouveau participant, le Cubain La Casona. Pour faire découvrir de nouveaux talents ? «Oui, dans le cas de la photographe Cirenaica Moreira, mais pas dans celui de Roberto Diago, explique Luis Miret Pérez. Il a déjà ses amateurs en France, une exposition est d'ailleurs en cours à Biarritz». Ses toiles utiisant des matériaux pauvres, cartons ou tissus, peuvent être lues comme une allégorie de la vie à Cuba. Elles se négocient à partir de 3500 euros pour les petits formats. Quinze galeries italiennes - la plus forte délégation étrangère - et dix espagnoles confirment la montée en force des pays du Midi.

Du côté des enfers
Derrière la peinture, la photographie demeure très présente. Marwan Hoss se permet même de consacrer un «one-man-show» à Jean-Baptiste Huyhn et à ses portraits impeccables - presque trop soignés - de Maliens, que l'on aurait plutôt attendus à Paris Photo. On retrouve Thibaut Cuisset ou Florence Chevallier chez Filles du Calvaire et un étonnant ensemble de Thomas Ruff chez Nelson, qui fait à cette occasion son retour à la FIAC. Machines-outils parfaitement piquées dans des poses de plusieurs minutes qui rendent transparents les rideaux de fond… «Thomas Ruff reste fidèle à sa démarche de réappropriation, commente Philippe Nelson. Il s'agit en réalité de tirages des négatifs appartenant à l'usine qui se trouvait près de chez lui, en Allemagne, et qui a fermé. Nous avons voulu contreposer cette série, qui est présentée pour la première fois, à la précédente, composée à partir de photos pornographiques prélevées sur internet.». Malgré la présence, ici ou là, d'une installation, comme cette enseigne de pharmacie clignotante de Frank Scurti (chez Anne de Villepoix), c'est bien l'image animée qui semble la grande perdante. Sa consécration, avec la naissance de Video Cube, s'est transmuée en une sorte de confinement, au fond de la grande nef du Parc des Expositions. Sa clientèle, celle qui écarte le rideau noir pour observer la projection dans de petites salles sombres, est redevenue une clientèle de connaisseurs. Comme celle qui savoure les petits enfers érotiques, celui de Thomas Ruff déjà cité, celui de Van Lieshout chez Krinzinger. Ou cette boîte miniature de Dionis Escorsa (chez le Catalan Senda). Punaisés comme des papillons, de jeunes couples italiens s'y agitent frénétiquement. L'exception confirmant la règle, il s'agit bien de vidéo…




 Rafael Pic
09.10.2003