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Patrimoine

Gehry donne un opéra à Los Angeles

Inauguré cette semaine, le Walt Disney Concert Hall est un bâtiment «destructuré» dans la lignée du Guggenheim de Bilbao.


Le Walt Disney Concert Hall,
à la fin du chantier,en juillet 2003
Photo : Tom Bonner.
LOS ANGELES. C'est un peu l'histoire d'un miracle. Beaucoup avaient enterré leur rêve de voir Los Angeles dotée d'un opéra à sa mesure, malgré le don en ce sens de 50 millions $ par Lillian Disney, la veuve de Walt. Il a fallu attendre plus de quinze ans, depuis ce geste philanthropique de 1987 et le concours de 1988, remporté par Gehry devant soixante-dix concurrents, pour que ce nouveau colosse de verre et d'acier puisse être inauguré, juste en face de son prédécesseur, le Dorothy Chandler Pavilion. Que s'est-il passé ? Rien que de très classique : une hausse des coûts, des erreurs de gestion et des partenaires locaux qui rechignent à suivre… d'où une paralysie du chantier entre 1994 et 1999. Entre temps, cependant, Gehry mettait la dernière main à la créature de titane, qui allait en faire une superstar : le Musée Guggenheim à Bilbao, au pays Basque espagnol. C'est, au fond, le succès de ce bâtiment et sa capacité à redonner vie à un quartier et à une ville en entier qui ont ranimé les énergies californiennes : en 1999, la construction reprenait à Los Angeles, sur un plan légèrement modifié.


Vue aérienne du sud-ouest en
construction. Photo : Federico
Zignani
Comme un avion sans ailes
La salle de concert, dont la capacité est inférieure de 25% à celle de la précédente (2200 places contre 3000) est le point d'orgue d'une tentative de requalification du centre de Los Angeles, jusqu'à présent no man's land d'autoroutes et de gratte-ciel. Elle voisine en effet avec le Musée d'art contemporain (MoCA) dessiné par Arata Isozaki et la cathédrale achevée l'an dernier par Rafael Moneo. Sous son apparence de «boîtes en carton à demi déchirées et déformées par la pluie» selon un critique du Los Angeles Times, c'est encore une fois une prouesse de haute technologie que réalise Frank Gehry, même s'il a abandonné le très coûteux titane de Bilbao pour des panneaux d'acier inoxydable et de verre sur une structure en calcaire. Il s'est notamment servi de CATIA, un logiciel de construction d'avion d'origine française, pour dessiner ces formes inspirées de la mécanique des fluides.


L'auditorium, septembre 2003,
vue de la scène et de l'orgue.
Photo : Federico Zignani
Près de 300 millions $
Cette «sculpture dynamique» selon le Washington Post est tout aussi spectaculaire à l'intérieur où l'immense orgue semble surgir de la scène comme un bouquet de chrysanthèmes. Le Disney Hall doit devenir la base du Los Angeles Philharmonic, dirigé par le jeune chef finlandais Esa-Pekaa Salonen. «L'extérieur ne plaisait pas à Lillian Disney» a reconnu Gehry à la conclusion des travaux», ajoutant qu'il avait cependant pensé à elle (elle est décédée en 1997, 35 ans après son mari) avec le jardin et les fontaines en porcelaine de Delft concassée. Budgété à 110 millions $, le Concert Hall aura finalement coûté 274 millions $.


 Charles Flours
23.10.2003