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Expositions

Confucius, portrait de l'homme invisible

Le Musée Guimet fait revivre, dans une scénographie séduisante, le sage chinois (551-479) dont on sait si peu de choses.


Couronne princière. Réplique d'un
modèle porté par les princes
feudataires de l'Antiquité, toit incliné
avec neuf rangs de perles indiquant
le statut du personnage. Or, pierres
semi-précieuses et soie. Époque
Ming, fin du IVè siècle. Tombe de Zhu
Tan àJiulongshan, fouilles de 1971.
H. 22 cm; L. maxi 49,4 cm. Jinan musée
provincial du Shandong. © RMN
PARIS. Rendre compréhensible la vie et l'influence d'un homme né un demi millénaire avant notre ère, avant Socrate, avant le Christ ? Un homme dont la première biographie, par Sima Qian, n'a «paru» - nous sommes loin de l'actuelle frénésie éditoriale qui embaume les grands hommes avant leur décès - que quatre siècles après sa mort ? Un homme dont on ne connaît qu'imparfaitement l'apparence physique (la légende veut qu'il soit né avec le crâne bosselé) et dont l'enseignement, en l'absence d'écrits de sa main, est le fruit des transcriptions de ses disciples ? Il faut reconnaître que le Musée Guimet réussit assez bien, en quelques objets choisis et habilement mis en scène - on pense notamment à ce superbe attelage en bronze baigné d'ombre - à sensibiliser à la culture confucéenne même les plus néophytes.


Voiture couverte du type rong che
avec son conducteur. Hautes roues,
caisse carrée et arceaux ayant
soutenues le toit de l'habitacle. Bronze,
époque des Han postérieurs, vers le
IIè siècle, Chine du centre. L. 170 cm;
H. cheval 120 cm, H. conducteur, 62 cm.
Collection particulière. © RMN
Les sacrifices et le tir à l'arc
Il n'est pas toujours facile de recourir à la commande pour compléter le propos d'une exposition. Le pari est ici tenu. L'artiste contemporain Ye Xin, dans un style très calligraphique, résume en trente étapes, à la mode de la BD, un peu comme font les vénérables rouleaux sous vitrine, une existence tout entière vouée à restaurer le sens du respect, du travail et des traditions, dans une Chine qui plongeait alors dans le désordre des Royaumes combattants. Cette «mise en bouche» montre dès le départ que Confucius n'est pas un dieu, un prophète mais un modèle de vie, un échantillon de valeurs fondamentales. Tout le parcours illustre la manière de défendre ces valeurs. Rendre hommage aux ancêtres et aux dieux ? De superbes calices en bronze, quasiment éternels, sont les vecteurs des sacrifices. Former son esprit et son corps par la pratique des six arts ? Voici un ensemble de pierres sonores pour la musique, une bague en turquoise pour l'archer émérite et des dalles gravées reprenant les 449 sentences de Confucius.

La route de Qufu
La bonne administration, dont Confucius donna un exemple en gérant le cheptel du clan Ji ou en étant gouverneur de Zhongdu, est représentée par une galerie de dignitaires à chapeau noir. Ils sont accrochés, l'un après l'autre, sur des panneaux qui dessinent un arc de cercle. C'est une jolie métaphore du «Bon gouvernement» prolongé à l'infini. Après que son enseignement eut été combattu, Confucius est reconnu depuis deux mille ans siècle comme l'interprète essentiel de la sagesse chinoise. Son culte se développe comme en attestent les coûteux cadeaux des empereurs pour son temple à Qufu, sa ville natale, qui devient lieu de pélerinage. Des photos inédites, rapportées en 1907 par l'archéologue Edouard Chavannes, montrent les hauts lieux de Qufu au début du XXe siècle La présentation se clôt par un aperçu de l'influence de Confucius en Occident, par l'intermédiaire, entre autres, de Voltaire ou Leibniz. Elle est à peine esquissée mais c'est la règle du jeu. L'important est que l'on quitte les salles avec un désir : en savoir plus sur ce maître Kong, que l'on croyait si lointain et qui se révèle pourtant si proche.


 Rafael Pic
29.10.2003