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Expositions

Botero chez Maillol

A la Fondation Dina Vierny, la ronde humanité du peintre colombien prend parfois des accents tragiques.


Femmes à la plage, 2002
Huile sur toile
199 x 108 cm
PARIS. A l'instar de Bernard Buffet ou d'Yves Brayer, le Colombien Fernando Botero (né en 1932) fait partie de ces artistes qui suscitent la méfiance des institutions. Leur succès public, leur art trop identifiable les desservent. Et, en l'absence de rétrospective, l'image que l'on se fait d'eux vire facilement à la caricature. L'exposition du Musée Maillol, même si elle se concentre essentiellement sur les dernières années, permet, en une centaine d'œuvres - aussi bien huiles, pastels ou dessins mais pas de sculptures - de mieux cerner l'œuvre. Caricature, peinture naïve ? Ces personnages aux airs de Ribouldingue, enflés mais aux petits yeux, semblent pris dans les rets de miroirs déformants. Leur psychologie sommaire, leur attitude foncièrement placide laissent peu de place à l'analyse et l'on a vite le sentiment de voir le même «héros», sous des apparences à peine modifiées, habiter les toiles successives. Et lorsque ce personnage décide de se glisser dans la peau d'une beauté florentine de Piero della Francesca, on a toute latitude de ne pas être convaincu. Surtout si, à ce point du parcours, une fenêtre s'ouvre sur des plâtres de Maillol, démontrant une toute autre dimension plastique.


Pique-nique, 2002
Huile sur toile
167 x 115 cm
Paradis perdu ?
Botero a pourtant une vertu précieuse : il est capable, semble-t-il, de rendre les gens heureux. Il provoque des sourires sincères, il nettoie nos âmes compliquées. On regrettera à ce propos l'absence de bancs dans les salles pour ceux qui voudraient s'absorber dans ces scènes simples. Des scènes qui ne sont pas datées. Pas un véhicule, pas un téléphone portable, pas un écran de télévision ou d'ordinateur. Les seuls éléments de modernité, ce sont les mégots écrasés au sol, les ampoules électriques dénudées qui pendent du plafond, les robinets de salles de bain sans mitigeur. Au pique-nique, ni récipient plastique ni bière en canette mais de bonnes vieilles bouteilles en verre produisant un breuvage coloré. On se croirait propulsé dans un no man's land des années trente. Chapeau mou, pantalons à revers et cravate étroite pour les hommes, robes mal taillées et boucles d'oreille clinquantes pour les femmes. On remarque bien quelques montres sur les poignets adipeux mais elles n'accélèrent en rien ce temps suspendu, sans urgence, sans «stress». Bref, une sorte de paradis perdu…


La Maison de Marta Pintuco,
2001. Huile sur toile
199 x 108 cm
Images sanglantes
Quelques salles permettent de découvrir d'autres facettes de Botero. L'une d'elles est consacré au Botero «politique», à son regard inattendu sur la violence qui secoue la Colombie depuis 1948. Un prisonnier aux yeux bandés hurlant - en observant de près la tête, on a la curieuse impression d'une analogie avec Bacon - des processions de cercueils, des cadavres flottant sur le rio Cauca, qui baigne Cali, l'une des villes pourtant les plus enchanteresses du pays… Ce Botero sanglant, original, n'est pas celui qui remplit les pages des magazines ou les posters à bon marché. Pas plus que celui qui croque des natures mortes au fusain ou des généraux médaillés à la sanguine, sur de superbes papiers vergeurés comme on faisait à la Renaissance. Botero n'est plus seulement le peintre qui fait sourire. On ne s'en plaindra pas…


 Rafael Pic
10.11.2003