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Expositions

Delacroix de tous les pays, unissez-vous !

Organiser une rétrospective Delacroix (1798-1863) lorsque l’on ne possède que deux de ses œuvres ? Le pari est relevé avec brio par la Kunsthalle de Karlsruhe.


Le Christ sur le lac de Tibériade,
1853, Stiftung Sammlung Bührle,
Zürich
KARLSRUHE. Klaus Schrenk, le directeur de la Kunsthalle, a convaincu plus de soixante prêteurs, grands musées étrangers et collectionneurs privés de participer à l’exposition. Certes, parmi les quelques deux cents œuvres, on ne verra pas les grands formats du Louvre, difficilement transportables. Mais l’ensemble permet d’aborder avec justesse, suivant un parcours sagement chronologique, les différentes facettes de l’œuvre du maître du coloris, notamment sa prolifique production graphique, rarement visible.


Déposition de croix 1857,
huile sur toile, Staatliche
Kunsthalle Karlsruhe
Fidélité au Salon
Le parcours s’ouvre avec les peintures de jeunesse, dans lesquelles le jeune Delacroix s’attache à démontrer qu’il connaît ses classiques, tout en variant déjà thèmes et sources d’inspiration. Ses nus féminins alanguis citent Titien, alors que ses premières peintures tirées de la littérature sont traitées à la manière des scènes de genre flamandes. Viennent ensuite les œuvres du Salon, où l’artiste exposera de manière récurrente de 1822 à 1859. Parmi les tableaux attendus, souvenirs marocains, scènes historiques ou vigoureux combats animaliers, deux natures mortes à la corbeille de fleurs, venues des Etats-Unis, détonent dans la production du maître. Présentées en 1849, elles nous révèlent un Delacroix prisonnier de sa virtuosité, oubliant ses références flamandes, cédant à son obsession du rendu dynamique jusque dans la figuration de chutes de fleurs trop savamment composées.


Lion attaquant un Sanglier, 1851
Kunsthalle Bremen
Tentations symbolistes
Les scènes religieuses s’accordent davantage à son talent. La magnifique Lamentation de 1837, l’un des deux tableaux conservés à Karlsrhue - qui à lui seul mérite le voyage – est une œuvre d’une grande densité, dans laquelle les personnages, traités d’une touche rapide qui leur confère une certaine fébrilité, semblent projeter le corps du Christ vers des cieux qui s’éclaircissent déjà, dans une préfiguration de l’Ascension. A la fin de sa vie, alors qu’il s’efforce d’achever le décor de l’église Saint-Sulpice – dont trois études sont exposées -, Delacroix réutilise des thèmes déjà traités, mais en exploitant leurs résonances symboliques. Ses félins, pris au vif de leurs assauts sanglants, paraissent alors s’humaniser.


 Sophie Flouquet
15.11.2003